Avec La boîte à pêche, écrit en 1926, nous sommes au cœur de l’œuvre de Maurice Genevoix, même s’il ne s’agit pas de son livre le plus connu. Le roman, ou plutôt le récit, se déroule dans un petit village des bords de la Loire et comme son titre nous le laisse deviner, parmi les passionnés de la pêche à la ligne. Nous suivons Daniel Bailleul, un gamin épris de cette activité, de son plus jeune âge jusqu’à sa vie adulte. Grâce aux conseils du mystérieux Najard, un taiseux spécialiste de cet art mais qui se prend d’affection pour le petit, il sera initié aux subtilités et secrets de ce noble sport.
Même si comme moi, vous ne pratiquez pas la pêche, vous adorerez suivre les artistes le long du fleuve, pour en découvrir la richesse animale ou florale, les paysages qui évoluent selon les saisons, les longues marches et affûts dans les roseaux ou les hautes herbes, les techniques pour appâter le goujon, le chevesne ou le brochet. Vous constaterez que les amateurs les mieux équipés avec les cannes les plus modernes ne prennent pas plus de poissons que ceux qui ne sont armés que d’un bambou et d’un fil fabriqué par leurs soins mais qui connaissent parfaitement leur sujet et le terrain. Parallèlement à la pêche, Maurice Genevoix nous décrit la vie de province dans ces années qui suivent de peu la fin de la Grande Guerre, un roman de terroir qui nous parle de la vraie vie.
L’écriture comme le style de l’auteur sont « d’époque », c'est-à-dire riche en belles phrases bien troussées et souvent poétiques. Genevoix s’applique à trouver le terme exact et le texte est ponctué de mots rares – pour moi du moins – comme le perré, un cotret, un rouennier etc. dont je vous laisse rechercher la définition dans votre dictionnaire préféré. Je me suis aussi régalé de comparaisons qui sont de merveilleuses trouvailles « l’église au clocher minuscule, plus fin qu’un sucre d’orge sucé par un enfant de cœur ». Un plaisir qui s’ajoute à la lecture de cette célébration lyrique des bonheurs simples. Un livre vivement recommandé bien entendu.
Dans des styles complètement différents mais qui entrent en résonance avec cet ouvrage, par les lieux ou activité, mais surtout par l’esprit, je ne peux que vous conseiller John Gierach et son Traité du zen et de l’art de la pêche ou encore de Bernard Ollivier ses Aventures en Loire.
« L’idéal pur, assurément, serait de voir cette bouée entre toutes, la mienne, plonger à l’attaque du brochet. Mais qu’une autre bouée plonge, je n’en serai guère moins ému : j’y aspire comme à un idéal mineur, que je n’avouerais point sans honte si j’osais tout d’abord l’expliquer à mes propres yeux. Dieu des pêcheurs, faites que ce soit mon vif, mon goujon frétillant que le brochet choisisse et happe, que j’aie ainsi l’orgueil de le ferrer, de le sortir de l’eau devant tous les hommes qui sont là ! Mais si je suis indigne ou malchanceux, faites du moins que je le voie mordre avant que ne revienne la nuit, que j’assiste au triomphe d’un autre, secoué d’une allégresse toute semblable à la sienne, mais en même temps d’une jalousie qui n’appartiendra qu’à moi seul. »