via trends.news.be par Mathieu Van OverstraetenEric Schmidt, CEO de Google. © Bloomberg
«Nous célébrons nos échecs.» Cette phrase étonnante a été prononcée en août dernier par Eric Schmidt, le CEO de Google. Elle est révélatrice du fonctionnement assez particulier du géant californien de l'Internet, qui se base sur ce que les Américains appellent le trial and error, c'est-à-dire la possibilité de se tromper à condition d'en tirer les bonnes leçons. Une méthode très répandue dans le domaine de la recherche universitaire, mais beaucoup plus rare en entreprise, où les investissements effectués doivent en général produire du résultat à court terme. Toujours selon Eric Schmidt, «Google est une société où il est absolument permis d'essayer quel-que chose de très difficile, de ne pas réussir, d'apprendre de cet échec et de l'appliquer à quelque chose de nouveau». Effectivement, l'histoire (pourtant courte) de Google est truffée d'échecs parfois cuisants. De nombreux services et produits lancés par la firme n'ont jamais trouvé leur public, soit parce qu'ils étaient trop compliqués, soit parce qu'ils arrivaient trop tôt ou, à l'inverse, trop tard. Ce côté très expérimental de Google - un luxe dont la plupart des autres sociétés ne peuvent que rêver - est bien sûr facilité par l'énorme manne publicitaire générée par son moteur de recherche, qui constitue une machine à cash apparemment inépuisable. Rien qu'au deuxième trimestre de cette année, Google a ainsi enregistré un bénéfice net d'1,84 milliard de dollars... Le groupe peut donc s'offrir quelques ratés de temps à autre. Il n'empêche : certains de ses échecs ont de quoi interpeller. En particulier cinq d'entre eux. 1. Wave Dévoilé fin mai 2009, Wave était présenté à l'époque par Google comme l'outil ultime de communication, un «couteau suisse virtuel» mélangeant e-mails, messageries instantanées et réseaux so-ciaux sur une seule et même interface. «Wave va rendre caducs tous les outils actuels de communication», n'hésitait pas à clamer haut et fort un des développeurs du projet. Le démarrage de la phase de test en septembre 2009, avec près de 100.000 participants, semblait confirmer que Wave deviendrait un concurrent sérieux pour Facebook. Mais il n'en a rien été. Trop complexe pour séduire le grand public, Wave n'a jamais prouvé son utilité comme solution de remplacement aux autres logiciels de communication. Dans le magazine Slate, Farhad Manjoo souligne que cet échec est dû au fait que la société Google elle-même n'est jamais parvenue à définir à quoi pouvait bien servir Wave, même si une équipe de chercheurs basée à Sydney a passé deux années entières à travailler dessus. Le 4 août dernier, le géant de l'Internet a purement et simplement décidé d'arrêter les frais, en faisant valoir que Wave n'avait pas atteint l'audience espérée. Mais Google ne se décourage pas pour autant : son prochain grand chantier serait le lancement d'un autre réseau social destiné à contrer Facebook. Nom de code : Google Me. La deuxième tentative sera-t-elle la bonne ? 2. Lively Mis en ligne en juillet 2008 mais stoppé en décembre de la même année, l'éphémère Google Lively était destiné à concurrencer le monde virtuel Second Life, très en vogue à l'époque. Les utilisateurs pouvaient y créer leur avatar, ainsi qu'une habitation virtuelle en 3D dans laquelle il était possible d'intégrer des photos et des vidéos venant de Picasa et YouTube, deux autres programmes appartenant à Google. Dans le message annonçant la fin de Lively, la société souligne que le principe même des laboratoires de Google est d'accepter que «tous les paris ne vont pas forcément être gagnants». Mais dans le même texte, elle précise aussi qu'elle a décidé d'arrêter Lively dans l'optique de consacrer ses ressources et son attention au «moteur de recherche, à la publicité et aux applications», ce qui semble plutôt en contradiction avec cette philosophie expérimentale. La bonne nouvelle pour Google est que depuis lors, Second Life n'intéresse plus personne. 3. Buzz Lancé en février dernier, Buzz est une autre tentative de Google de créer un réseau social. Sauf que dans ce cas-ci, la cible n'est pas seulement Facebook mais aussi Twitter. Complètement intégré à Gmail, Buzz permet de se servir de son compte e-mail pour envoyer et recevoir des avis, des photos, des vidéos, des liens, tout en se connectant à des services populaires tels que Twitter, Picasa ou Flickr. Son lancement a donné lieu à des sarcasmes de la part des concurrents («deux ans après Yahoo, Google lance Buzz : optez plutôt pour l'original») et a, une fois de plus, été boudé par les utilisateurs. Pire même : sept d'entre eux ont lancé une procédure collective contre Google dans la mesure où, à l'origine, Buzz créait automatiquement pour les utilisateurs de Gmail une liste de contacts. Or, cette liste était accessible à tous, ce qui constitue évidemment une atteinte à la vie privée. Dans un règlement à l'amiable, Google vient d'accepter de payer 8,5 millions de dollars pour régler cette affaire. A noter que le service Buzz, s'il semble mort-né, n'est pas encore officiellement abandonné. 4. Knol Outre Facebook, Second Life et Twitter, Google a également essayé de copier Wikipedia. Cela a donné lieu au lancement d'une «plate-forme d'échange d'informations» baptisée Knol. La différence par rapport à Wikipedia est que Knol met en avant les auteurs des articles publiés. Mais pour le reste, son objectif principal est le même, à savoir regrouper des contenus couvrant un maximum de sujets, que ce soit de l'information médicale, de la géographie, de l'histoire, ou même des modes d'emploi. Le lancement de Knol en 2007 a donné lieu à une certaine polémique, dans la mesure où Google a été accusée de chercher à«monétiser le trafic lié aux internautes à la recherche d'informations encyclopédiques». Des craintes qui se sont avérées non fondées car jusqu'à présent, Knol est un flop, même si le site existe toujours. 5. Nexus One Le Nexus One, également appelé «Google Phone», constitue une exception dans cette liste. Il ne s'agit pas, en effet, d'un service Internet mais d'un produit physique. Produit par HTC, le Nexus One était un smartphone destiné à concurrencer l'iPhone. Très apprécié des développeurs, ayant bénéficié d'une énorme couverture médiatique, cet appareil a été un échec commercial cuisant pour Google, qui l'a vendu à seulement 135.000 exemplaires durant les deux mois ayant suivi sa commercialisation en janvier 2010. Un fiasco que les observateurs attribuent surtout à la décision de Google de vendre le Nexus One directement sur Internet, sans passer par le réseau de distribution traditionnel. La société n'a pas non plus mis en place de grande campagne de promotion, tandis que le service après-vente laissait à désirer. Cela dit, l'exemple du Nexus One prouve l'utilité de la philosophie trial and error du groupe. Car cet appareil a permis à Google d'améliorer son système d'exploitation Android, qui équipe un nombre de plus en plus important de smartphones produits par d'autres fabricants. Selon le cabinet Gartner, Android dépasse désormais Apple et Research in Motion (BlackBerry) dans les ventes. De quoi célébrer l'échec du Nexus One ?
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