Maurizio Cattelan montre son doigt d'honneur (by Stefania)

Publié le 06 octobre 2010 par Lifeproof @CcilLifeproof

Maurizio Cattelan, Lo.ve, sculpture en marbre de Carrara, 2010 (Milan)

Les protagonistes de cette comedie (humaine, trop humaine) sont trois: l’artiste, dont vous connaissez déjà le nom et quelques oeuvres pour en avoir entendu parler sur ces pages; la ville, dont je vous ai aussi déjà parlé dans un ancien post; le public, dont vous faites partie et qui donc n’a aucun secret pour vous.
Le premier est Maurizio Cattelan, la deuxième est Milan, le troisième est le public de l’art contemporain et notamment les milanais.
On a tous les ingredients pour bien s’amuser, vous ne trouvez pas?
Je vous raconterai tout, du prélude à l’épilogue, de façon très simple, puis je vous demanderai votre avis.

Maurizio Cattelan, La Nona Ora, 2000


Maurizio Cattelan avait été invité par la Mairie de Milan à exposer une dizaine d’œuvres dans différents contextes de la ville. Mais l’été dernier, l’un des artistes les plus cotés du monde entier ne savait pas encore si cette exposition pouvait avoir lieu faute – comme on pouvait lire sur les journaux – d’argent. Il faut dire que les travaux de M. Cattelan ne sont pas vraiment des griboullis sur papier toilette : en plus d’être souvent des sculptures monumentales (et donc qui demandent beaucoup de matériau et de « technique »), ils comptent parmi les plus chers au monde, et donc vous pouvez bien imaginer les coûts de transport, les assurances…. toutes ces choses qu’il faut bien prendre en compte quand on expose un artiste mondialement connu.
Cattelan a envoyé une lettre datée de juin, qui m’a fait bien rire, car elle disait que l’administration de la Mairie était composée de rongeurs parce qu’ils avaient rongé son budget, autant qu’ils avaient pu (mais il faut savoir qu'ils rongent vraiment tout, pas seulement les budgets de la culture!).

Maurizio Cattelan, Untitled, 1999
Faute d’argent, donc, cette exposition, au titre « Contro le ideologie », compte, au lieu de dix, seulement trois œuvres et pourra être visitée jusqu’au 24 octobre. Les trois sculptures sont La Nona Ora (le pape Jean Paul II abattu par une météorite), La donna crocifissa (qui, comme le dit le titre, représente une femme crucifiée) et Untitled (un enfant qui joue du tambour).

Mais ce qui a le plus provoqué de réactions, c’est une sculpture monumentale en marbre blanc de Carrara (la même pierre utilisée par Michelange pour ses sculptures), placée pendant dix jours face à la Bourse de Milan, qui représente un joli « doigt d’honneur ».
Et ici rentre en scène le public de Milan, habitué aux provocations de Cattelan (lisez ici), mais toujours prêt à créer des polémiques sur ce qui est vulgaire, artistique, acceptable pour la morale, naturellement sans se démander si ces polémiques sont ou non le fruit (voulu) de la provocation de l’artiste. Parce que oui, Cattelan est un grand provocateur, mais ça, vous le saviez déjà, comme on sait que Michelange est l’artiste phare de la Renaissance italienne.
Il y en a qui se sont exaltés face au doigt parce qu’ils pensaient à un insulte (méritée) à l’économie et à la finance (représentées par la Bourse), mais je pense que notre cher Cattelan n’est pas un artiste « politique » : il nous montre Hitler en guise de petit bonhomme priant, le pape puni par les forces célestes, il fait de l’ironie sur la situation des poubelles au sud de l’Italie… mais le but est celui de susciter des discussions, de faire parler de soi et de son art. Un but très intelligent, ça, je ne le nie pas. Et c’est pour ça, pour cette capacité d’attirer l’attention sur des thématiques oubliées, ennuyeuses, trop specialisées, que j’aime son travail. Mais n’essayons pas d’attribuer à Cattelan une volonté de changer le monde, de proposer un autre point de vue, une alternative, une possibilité de sortie. Eh oui, les italiens, ça, c’est notre devoir !
Comment pouvez-vous penser qu’un artiste qui expose ses œuvres, entre autre, avec l’argent de la Mairie (bien que très peu) puisse proposer un message si subversif ?

  Maurizio Cattelan, La donna crocifissa, 2008

En ce qui me concerne, même si je n’ai pas encore vu en vrai ce déjà célèbre doigt, je l’aime déjà, au moins parce qu’il propose une autre version, moderne, désacralisante, de tous ces machins souvent horribles qu’on appelle des monuments et qu’on trouve au milieu des places, juste pour faire plaisir à l’artiste préferé du maire, de l’adjoint à la culture, de la femme du président. Ah oui, je sais, ça n’arrive pas qu’en Italie !


Et vous, comment trouvez vous cette sculpture?