Le ministère britannique de la Justice souhaite humaniser les prisons par le travail

Publié le 05 octobre 2010 par Bravepatrie

Le parti conservateur britannique tient actuellement sa conférence annuelle à Birmingham, et pour la première depuis 14 ans il est au pouvoir. A ce titre, ministres, secrétaires d’Etat et parlementaires ont décrété une Fête du Slip générale : fin de l’universalité des allocations familiales, préparation du National Health Service à la privatisation ou encore introduction de la valeur travail dans les prisons sont au programme.

« Les prisonniers ne paient pas assez cher leur dette à la société : j’ai les chiffres, et nous nous faisons voler ! »
C’est ainsi que Ken Clarke, Secrétaire conservateur de la Justice de Sa Majesté, a introduit ses propositions aux délégués conservateurs réunis cette après-midi à Birmingham.
Et à bien y regarder, le constat est effarant : non seulement le prisonnier moyen ne montre durant sa période d’incarcération aucune volonté de se conformer aux valeurs constitutives d’une société laborieuse — se lever tôt, embaucher à 9h00 et rentrer dans sa cellule à 17h00 — mais cette oisiveté coûte cher à la Couronne, et donc au contribuable britannique.
M. Clarke propose par conséquent une réforme du statut des prisonniers qui leur permettrait, sinon de s’acquitter totalement de leur dette, du moins d’en alléger le poids pour les générations futures.

Le prisonnier moyen vit dans des conditions de confort ahurissantes.">

Le prisonnier moyen vit dans des conditions de confort ahurissantes.

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Le prisonnier moyen vit dans des conditions de confort ahurissantes.

La précédente réforme d’envergure des prisons britanniques a connu un demi-succès.
Trop chaude en été, inondée en hiver, cernée par les requins et infestée de kangourous, l’Australie ne semble pas répondre à la nécessaire mission de réinsertion sociale que doit remplir la prison : ceux qui en ressortent parlent un sabir incompréhensible et sont souvent alcooliques.
C’est pourquoi une réforme est urgente, et Ken Clarke a choisi de l’adosser à la valeur travail, un thème cher aux enfants de l’upper class britannique — le gros des militants conservateurs — qui à peine diplômés d’Oxford ou Cambridge reprennent avec courage et sans regimber la charge de leurs parents : notaire, fondé de pouvoir, lord ou banquier d’affaires.
Banquier d’affaires, justement : un métier auquel Jérôme Kerviel, qui vient d’être condamné à rembourser 4,900,000,000 € à son ancien employeur, peut s’identifier. Les propositions de M. Clarke pourront très certainement l’aider à s’acquitter d’une partie de sa dette durant sa peine de prison.

La volonté du ministère de la Justice est d’inciter un plus grand nombre d’entreprises à investir les établissements pénitentiaires pour y faire travailler les détenus.
Un mode de fonctionnement encore difficile à accepter pour les employeurs : la prison est associée à de nombreuses idées reçues, en particulier l’insécurité et les amours contre-nature — encore un tabou, même en Angleterre.
Par ailleurs, il est prévu d’abandonner la pratique actuelle, immorale en ceci qu’elle dévalorise les efforts de la classe ouvrière, de payer les prisonniers 8 livres par semaine et de la main à la main. M. Clarke tient particulièrement à ne pas démanteler plus encore une société civile qui souffre déjà beaucoup de la crise : les prisonniers seraient dorénavant payés au salaire minimum légal et déclarés.

Au service compta, Fernand et Benoît sont devenu vraiment potes.">

Au service compta, Fernand et Benoît sont devenu vraiment potes.

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Au service compta, Fernand et Benoît sont devenu vraiment potes.

Des désavantages qui n’en sont pas réellement pour peu qu’on se penche sérieusement sur la question. Les emplois à salaire minimum créés à l’intérieur de la prison ne représenteront en effet, financièrement parlant, qu’une goutte d’eau par rapport aux gargouillis d’estomac des chômeurs créés à l’extérieur. Un facteur dont une entreprise à la politique RH audacieuse saura très certainement jouer à son avantage.
La population carcérale est enfin beaucoup plus perméable à la culture d’entreprise moderne que ne l’est la population générale : les rapports hiérarchiques y sont mieux observés, les remontrances n’y donnent pas lieu à des poursuites pour harcèlement moral et ce qui se passe sous la douche reste sous la douche. Un état d’esprit qui devrait éviter bien des frictions et manifestations de mauvaise volonté de la part des salariés.

Le prisonnier bénéficiera lui aussi de ce contrat gagnant-gagnant. Selon le plan de M. Clarke, l’argent perçu pour les 40 heures de travail hebdomadaires sera réparti comme suit, dans des proportions qui restent à définir :

  • une partie sera reversée aux victimes du détenu pour racheter sa dette morale (le taux de conversion morale / argent reste à définir, mais le parti conservateur assure disposer d’assez bons modèles développés en interne depuis des années) ;
  • une partie sera reversée à la famille du détenu lui-même, à laquelle on pourra enfin arrêter d’attribuer des aides sociales ;
  • une partie servira à couvrir les frais de détention du prisonnier, « parce qu’y a pas de raisons que ce soit nous qu’on paie » souligne-t-on à l’Association Granbretonne des Contribuables en Colère ;
  • une partie sera enfin laissée à la disposition du prisonnier, qui pourra acheter savon et mousse à raser pour arriver propre au travail le lendemain.

La dernière proposition des conservateurs concerne enfin la réinsertion : après avoir payé sa dette, nourri sa famille, payé son loyer et cantiné, le détenu pourrait abonder à un fonds qui lui sera remis deux ans après sa libération s’il conserve un comportement exemplaire.
Car c’est bien la réinsertion qui est et restera l’objectif principal de la prison. Après un CDD de 5, 10 ou 15 ans selon les modalités définies par le gouvernement britannique, le détenu libéré sera parfaitement formé au monde de l’entreprise, et pourra même faire valoir son expérience pour espérer une promotion quand il en aura assez d’attendre deux ans pour voir la couleur de son argent.