Magazine Humeur

Le «guide âne» de la Bête en Cour : subornation de témoin ?

Publié le 05 octobre 2010 par Kamizole

liliane-bettencourt-30-nov-1988.1286301075.jpg

Meuh ! non… Tout de suite les grands mots ! Vous n’avez rien compris au film – c’est bien le cas de le dire. Metzner exagère en dénonçant, à propos de l’aide-mémoire de Bettencourt : “On lui apprend à mentir” (L’Express du 4 oct 2010) qu’il s’agirait de la preuve d’une «subornation de témoin». Mémé Kamizole vous livre en exclusivité deux hypothèses nettement plus crédibles.

J’ai le souvenir d’avoir lu il y a déjà quelques temps que le cinéma s’intéressait – déjà ! – à l’Affaire Bettencourt. Le réalisateur Michel Hazavanicius travaillerait déjà à la préparation du film qu’il tournerait en partie aux Seychelles puisque la mystérieuse île fantôme d’Arros - qui appartient à Liliane Bettencourt - fait partie du feuilleton de l’été 2010 qui tient tellement les Français en haleine depuis la mi-juin qu’il a été décidé de jouer les prolongations pour la saison d’automne. Le nom de Jeanne Moreau serait envisagé pour le rôle de l’héritière de l’Oréal. Curieusement, c’est à elle que je pensais sans même avoir lu l’article.

Mais, si jamais l’actrice ne pouvait ni n’acceptait le rôle, Liliane Bettencourt aurait - selon moi - été pressentie pour tenir son propre rôle.

Or, pour qui s’intéresse même de loin au cinéma et au théâtre, il est bien connu qu’il faut apprendre par cœur les dialogues… Ses proches y ont de surcroît vu un avantage secondaire (outre que cela lui donnera un peu d’argent de poche, les temps étant particulièrement difficiles pour les multimilliardaires !

:)
) d’où ma seconde hypothèse : entretenir sa mémoire par des exercices à partir d’un certain âge est primordial pour éviter ou ralentir les effets de la maladie d’Alzheimer. Le fameux document saisi par les policiers à la recherche des “petits papiers” de Mme Bettencourt (Le Monde) lors de la perquisition menée à son domicile le 1er septembre 2010 est précisément un script destiné à travailler la scène de l’audition par les policiers.

C’est d’ailleurs bien pour cela qu’elle était tellement en pétard, souvenez-vous : Liliane Bettencourt «affreuse-ment choquée» par la perquisition chez elle (Libération du 1er septembre 2010). Comment voudriez-vous qu’elle continue à apprendre son rôle maintenant qu’on lui a confisqué le texte ?

N’étant pas petite souris, je ne saurais vous dire si le document était placé dans un des coffres dont les policiers avaient dû forcer les serrures ou dans les chambres des salariés ainsi que l’indiquaient le 1er sept 2010 Gérard Davet et Jacques Follorou dans Le Monde Le domicile de Liliane Bettencourt perquisitionné. Je pencherais néanmoins plus volontiers pour la seconde solution dans la mesure où précisément, outre Banier et Maistre qui lui faisaient réciter le texte des «bouts de papier» certains membres du personnel étaient également requis pour cette occupation. Devoir aller chercher à chaque fois le texte dans un coffre-fort n’étant guère du dernier pratique.

Mentir ou ne pas mentir ? Au cinéma ou au théâtre, cela n’a aucune importance, tout dépendant du scénario. Dans la vie réelle et a fortiori dans le cadre d’une enquête judiciaire, c’est une autre paire de manche. Vous êtes tenus de dire la stricte vérité sauf à être parjure lorsque vous signez un procès verbal d’audition.

Cette affaire était ourdie de longue date puisque le texte dactylographié saisi – intitulé selon Me Metzner «Prépa-ration de Liliane Bettencourt à l’audition par la police» - et qui visait selon Le Point (4 avril 2010) à “préparer” Liliane Bettencourt à son audition de police serait une liste de réponses établies en février et mars 2008 en cas d’audition de la milliardaire… Ils savaient donc tous – y compris le pouvoir ! - depuis belle heurette que la plainte de Françoise Bettencourt-Meyers contre François-Marie Banier pour «abus de faiblesse» sentait le souffre. Ce n’est pas pour rien que le procureur de Nanterre, Philippe Courroye (de transmission !) a tout fait depuis 2007 pour que la plainte n’aboutisse pas…

M° Metzner y verrait «la patte de Banier et Maistre»… Que nous chante-t-il là ? Il ne faut pas être grand clerc pour savoir – selon la scie serinée ad nauseam tout l’été par les UM/Posteurs – que c’est encore un coup monté par Edwy Plenel (déguisé en soubrette

:)
) pour gonfler la diffusion de Médiapart. Elémentaire, mon cher Watson !

Liliane Bettencourt était incitée à répondre qu’elle ne détenait pas de compte à l’étranger et qu’elle était locataire de l’Ile d’Arros. Nous savons tous aujourd’hui qu’elle a dû revenir sur ces mensonges, lesquels étaient démentis par les enregistrements de conversations piratés par son maître d’hôtel…

Ah ! Ces fameux enregistrements… Deus ex machina qui ébranle le pouvoir ! Tout tourne autour d’eux dans le champ médiatique et judiciaire. Ils ont fait basculer une banale affaire familiale de captation d’héritage et «d’abus de faiblesse» de la part du bénéficiaire de dons substantiels dans le champ politico-financier mettant en cause le pouvoir jusqu’au sommet de l’Etat. Fortiche !

On comprend mieux pourquoi Philippe Courroye et Georges Kiejman, l’avocat actuel de Liliane Bettencourt ont fait des pieds et des mains, en premier lieu pour qu’ils soient retirés des sites où ils étaient accessibles au public – Mediapart, Le Point, Marianne. Sans succès, la Cour d’appel ayant confirmé le jugement de première instance déboutant Kiejman et Liliane Bettencourt au nom de «la liberté de l’information».

Ensuite, en s’opposant à ce qu’Isabelle Prévost-Desprez, présidente du tribunal de Nanterre (Hauts-deSeine : ex-Sarkoland !) qui doit juger cette affaire ne puisse obtenir «un supplément d’enquête» à partir des éléments nouveaux que révélaient ces enregistrements. Las ! encore une fois et heureusement, la justice leur a donné tort. Sinon, ce fameux document n’aurait jamais pu être exhumé lors d’une perquisition au domicile de Liliane Bettencourt ordonnée par Isabelle Prévost-Desprez. Ce qui confirme que les grands événement de l’histoire tiennent souvent à très peu de chose. Un simple grain de sable qui grippe une machine pourtant bien huilée.

L’article d’Hervé Gattegno (Le Point du 3 octobre 2010) AFFAIRE BETTENCOURT - La note secrète qui renforce les soupçons détaille précisément les réponses aux questions des policiers qui eussent risqué d’être embarrassantes.

Elle devait répondre que la plainte en justice de sa fille contre Banier était une question de jalousie alors qu’elle devrait comprendre que les largesses concédées par amitié à l’artiste n’ôtaient rien à l’amour qu’elle lui portait, non plus qu’elles ne lui nuisaient en rien sur le plan financier puisqu’elle lui avait déjà donné la nue-propriété de la quasi totalité de ses actions l’Oréal et qu’en conséquence, les largesses accordées à Banier étaient prélevées uniquement sur les revenus des actions.

Pour justifier cette générosité, il lui était demandé de répondre «”M. Banier est à la fois un ami, dont la présence lui est précieuse, une ouverture sur le monde artistique et un artiste vis-à-vis de qui elle joue un rôle de mécène. Elle a souhaité qu’il soit à même de réaliser son oeuvre sans souci matériel»… Je connais ou ai connu quelques artistes qui seraient bien aise de rencontrer tel mécène ! mais la plupart galèrent et sont le plus souvent obligés d’occuper des jobs alimentaires.

D’autant que nous apprenions le 30 juillet 2010 qu’en vertu d’une convention entre l’artiste et l’Oréal François-Marie Banier était mis à l’abri du besoin ! François-Marie Banier, ou l’art de «travailler pendant dix ans sans le souci de plaire» (Le Monde du 30 juillet) qui reprenait les termes d’une lettre de remerciement adressée par le photographe aux dons multiples – surtout celui d’avoir les doigts particulièrement crochus ! – à Lindsay Owen-Jones, ex-PDG de l’Oréal pour le remercier du contrat aux petits oignons lui assurant de substantiels suppléments de revenus, jugez du peu :

La société de François-Marie Banier reçoit 710 000 euros par an de L’Oréal (Le Monde du 30 juillet 2010) entre autres titres dont Le Figaro. Quasi 4,7 millions de francs ! Je convertis pour donner la pleine mesure aux chiffres. Quelque chose de pourri et que je n’hésite pas à qualifier d’obscène. Véritable injure jetée à la face de tous nos concitoyens qui se débattent dans des difficultés sans nom : 60 années de revenus d’un smicard.

J’entends déjà tomber le couperet de la critique : mémé Kamizole verse dans le «populisme» ! Insulte suprême de tous ceux qui, précisément, méprisent si profon-dément le peuple. Il en est de droite comme – hélas ! – de gauche. Mais rien à foutre ! Si défendre les intérêts du peuple – auquel j’appartiens tant par mes conditions de vie que par tous mes engagements depuis plus de 45 ans – Ah ! ouiche, alors ! Je suis non seulement populiste mais fière de l’être : je ne confonds nullement la démagogie qui s’attache en général aux mouvements populistes (je soutiens au contraire toutes les initiatives visant l’éducation populaire) et je me réfère à nos grands ancêtres populistes américains… A lire dans le Monde diplomatique (avril 1996) l’article de Serge Halimi Le populisme, voilà l’ennemi.

J’en reviens au story-board concocté pour la nouvelle actrice qui monte dans le Panthéon cinématographique : Liliane Bettencourt.

Quant au montant – important – des largesses accordées à François-Marie Banier, elle doit répondre : «Elles sont proportionnées à ma fortune ; elles n’ont été prélevées que sur mes revenus». Ce qui ne serait pas tout à fait exact… Mais Liliane Bettencourt doit être comme Nicolas Sarkozy : fâchée avec la vérité et très laxiste avec les éléments chiffrés.

A la question essentielle sur sa santé, notamment mentale, elle devait répondre «J’ai eu des problèmes physiques qui n’ont jamais altéré mes facultés intellectuelles»… Ce doit être pour cela qu’elle a toujours refusé les expertises médicales réclamées dans le cadre de la procédure intentée par sa fille et que le neuropsychiatre qui l’a examinée pour une expertise «privée» a fort opportunément détruit tout le dossier médical dès qu’il fût informé d’une perquisition…

La réponse n’est nullement anodine car il est ensuite question de savoir si elle comprenait la portée des actes de donation que Maistre, Banier et sans doute M° Goguel, son avocat à l’époque lui faisaient signer. Elle devait répondre : «J’ai toujours vérifié soigneusement leur portée et je n’ai signé que quand j’étais d’accord sur leurs termes». Sans même que ses facultés intellec-tuelles fussent altérées il me semble douteux qu’elle en puisse connaître exactement la portée juridique.

Quand de plus, il est révélé par les enregistrements du maître d’hôtel qu’elle ne se souvenait pas avoir signé un testament faisant de Banier son légataire universel – elle l’a révoqué depuis – ni avoir voulu lui offrir son île au Seychelles, la cause me paraît entendue : elle s’est proprement fait manipuler par ces requins. «L’abus de faiblesse» ne fait plus aucun doute et se double, avec la saisie de ce document, d’une «subornation de témoin».

Mais petite cerise sur ce gâteau, pièce montée déjà pas mal garnie – notamment de crème «chantilly» ! – cette affirmation : «Me Goguel (avocat de la milliardaire) prépare une note que je pourrai remettre au directeur adjoint du cabinet du ministre de la Justice, de façon à ce qu’il puisse nous dire où en sont les choses, quel est l’état d’esprit du juge et quelle est la position du parquet»…

«Selon que vous serez puissant ou misérable, les jugements de cour vous feront noir ou blanc»… Rien de surprenant, il est connu de longue date que tous les justiciables ou leur avocat ont tout à fait pour habitude de s’adresser à la haute hiérarchie du ministre de la Justice pour faire le point sur l’affaire qui les concerne. Simple comme une note !

Au-delà de ce passe-droit – sur la pièce montée, mettez beaucoup de macarons : les officiels qui servent de coupe-file pour ne point risquer d’être traité comme le vulgum pecus – il est clair que se profile l’intérêt du pouvoir à suivre de près cette affaire dès l’origine. Non seulement la Chancellerie - rien n’indiquant au demeurant que cette note ait été effectivement remise au cabinet de Rachida Dati, Garde des Sceaux à l’époque mais c’est la mentalité de ces gens-là à qui tout semble permis qui est exaspérante.

Mais aussi l’Elysée : Vous souvenez sans doute que dans les enregistrements “pirates” de Bettencourt remis à la police (Le Point du 16 juin 2010) Patrice de Maistre évoquant fort explicitement à Liliane Bettencourt le 21 juillet 2009 une rencontre avec Patrick Ouart – à l’époque conseiller juridique de Nicolas Sarkozy… - «que je vois régulièrement pour vous» et qui lui «a dit que le procureur Courroye allait annoncer le 3 septembre, normalement, que la demande de votre fille est irrecevable. Donc classer l’affaire. Mais il ne faut le dire à personne cette fois-ci»… Aurait-elle déjà commis une connerie ?

Effectivement, la plainte de Françoise Bettencourt-Meyers a été déclarée irrecevable mais l’affaire a pu néanmoins continuer car elle a saisi ensuite le doyen des juges d’instruction pour autant que ma mémoire ne me trahisse pas.

Plus grave encore : Maistre évoquant dans une autre conversation une rencontre ultérieure avec Patrick Ouart, et se disant «confiant pour un futur procès en appel» car – dit-il «On connaît très, très bien le procureur. Donc c’est bien» ! Et pour cause : ce procureur si “ami” du pouvoir n’est autre que Philippe Courroye…

MERDALOR ! Dans n’importe quel pays démocratique - sauf à démettre le procureur mis en cause - l’affaire aurait été délocalisée dans un autre ressort ou le ministre de la Justice aurait obligé ledit représentant du parquet – hiérarchiquement soumis à la Chancellerie – à nommer un ou des juges d’instruction, totalement indépendants du pouvoir…

Or, nous apprenions la semaine dernière que nonobstant l’avis de Jean-Louis Nadal, procureur général de la Cour de cassation demandant la saisine d’un juge d’instruction dans l’affaire (Le Monde du 27 sept 2010) non seulement le procureur Courroye s’obstine à poursuivre son enquête préliminaire dans l’affaire Woerth-Bettencourt (Le Monde du 27 sept 2010) mais plus encore il est soutenu par Michèle Alliot-Marie ! Avec des arguments tellement fallacieux et ridicules – l’indépendance du parquet, entre autres ! – qu’ils feraient rigoler Jolly Jumper. Je n’y reviens pas les ayant soigneusement démolis dans un article du 29 sept 2010 Affaire Bettencourt ou «La Passion» selon mémé Kamizole… MAM jouant les Ponce-Pilate !

Dans n’importe quel autre pays démocratique, le chef de l’Etat aurait contraint Eric Woerth à démissionner tant il paraît impliqué jusqu’au cou dans nombre d’affaires touchant ou non de près ou de loin à l’affaire Bettencourt et au financement illégal de la campagne électorale de Nicolas Sarkozy.

Dans n’importe quel autre pays démocratique, c’est le chef de l’Etat lui-même qui aurait été contraint de se démettre de ses fonctions à cause des multiples scandales où il est impliqué, non seulement l’affaire Woerth-Bettencourt et ses multiples ramifications, le Karachigate, etc. mais aussi pour avoir couvert l’espionnage par les services secrets des journalistes du Monde. L’Elysée a utilisé le contre-espionnage pour identifier une source du “Monde”.

Se souvenir que c’est pour une semblable affaire, connue sous le nom de «Watergate» que Richard Nixon fut contraint de démissionner le 8 août 1974 (le jour de mon anniversaire

:)
).

«Vérité au-delà de l’Atlantique, erreur en-deça ?»… J’espère que Blaise Pascal ne m’en voudra pas de le plagier (Pensées, 294) mais il traitait précisément de «La justice et la raison des effets» (Section V). mais basta ! La Sarkozie n’est plus une démocratie ni un Etat de droit, la liberté n’y est plus de mise. C’est une République népotiste et bananière qui tend à instaurer un régime totalitaire où seul désormais s’imposera le «bon vouloir» du Prince…

Ont évidemment raison de dénoncer tant Ségolène Royal «le système Sarkozy corrompu» que Martine Aubry la «République abîmée par 3 ans de sarkozysme» (Le Figaro du 4 juillet 2010).


Retour à La Une de Logo Paperblog