Marie-Jeanne Urech, Les Valets de nuit

Par Alain Bagnoud

Après Des accessoires pour le paradis, sorti l’an passé, la prolifique Marie-Jeanne Urech nous propose un autre roman en cette rentrée littéraire. Les Valets de nuit. Une autre manière d’approfondir son univers fantaisiste qui touche parfois au surréalisme.

On a pourtant ici un arrière-fond tout à fait naturaliste. Le livre est issu d’une visite que Marie-Jeanne Urech a faite à sa soeur en 2008 à Cleveland. L’endroit se retrouve dans Les Valets de nuit. Il s’agit d’une ville industrielle dont les hauts fourneaux sont éteints. Une famille n’arrive plus à payer les traites de la maison. Le père accumule les petits boulots. La mère fait du porte-à-porte pour vendre des cures de vitamines.

Tout ça sous la domination de tours de verres qui surplombent la ville et dont les propriétaires voient leur richesse croître à mesure que l’exploitation et la dépossession étranglent les gens modestes.

Sur cette évocation de la fermeture des usines, de la mainmise financière, de la crise des subprime, de la précarité, Marie-Jeanne Urech pose son univers merveilleux. Un distributeur de frites qui s’ouvre et donne sur une vaste enfilade de pièces où les enfants de la famille cachent leurs jouets pour empêcher qu’ils soient saisis par un huissier. Un grand-père qui cherche l’Homme noir, le Tout-puissant invisible. Une énorme chanteuse qui charme chaque soir tout le quartier, installée sur un divan, inamovible, intransportable, absorbant des tranches de schnitz, protégée par deux anges gardiens qui finalement la sauvent d’un incendie et l’entraînent au ciel.

Cette assomption de l’Art, incarnée dans la grosse femme, est la seule chose qui puisse donner de la beauté et du sens à une vie sinon sans espoir, semble dire Marie-Jeanne Urech.

Pourtant, au même moment où les anges emportent la chanteuse « enfin affranchie des souffrances de la gravitation », les tours de verre sont assaillies par une foule menaçante, menée par un prédicateur exalté.

Mais ça ne sert manifestement à rien. Les profiteurs s’en sortent toujours: « le vent du nord emportait des hommes pendus à des parachutes dorés vers de nouveaux territoires, comme des spores prêts à se multiplier le printemps venu. »

Marie-Jeanne Urech, Les Valets de nuit, L’Aire

Pour en savoir plus:

07.10.2010, 20h30: Rencontre littéraire avec Marie-Jeanne Urech, accompagnée par la comédienne Geneviève Rapin, à la Bibliothèque Forum Meyrin, 1, pl. des Cinq-continents, Meyrin.
http://www.meyrin.ch/bibliotheque

08.10.2010, 20h00: Rencontre littéraire avec Marie-Jeanne Urech accompagnée par la comédienne Geneviève Rapin, dans le cadre des Mille et une voix à la Maison de quartier de Plainpalais, Rue de la Tour 1, Genève.
Toutes ces infos sont sur www.marie-jeanneurech.com