Jérôme Kerviel ou le procès d'un système perdu

Publié le 05 octobre 2010 par Raphael57

 

Le plus célèbre de nos traders français - poursuivi pour une perte record de près de 4,9 milliards d'euros début 2008 alors qu'il travaillait à la Société générale - vient d'être condamné à cinq ans de prison dont trois ferme et à payer 4,9 milliards d'euros de dommages et intérêts à son ancien employeur. Au passage, on peut se demander comment il fera pour rembourser une telle somme sachant que Jérôme Kerviel n'est pas Bernard Madoff comme certain ont pu se l'imaginer : point de milliards dans des comptes offshores, de sociétés écrans et autres... Bien entendu, il lui est à présent possible d'user de tous les moyens d'appel avant que cette condamnation ne soit définitive.

Rappelons que Jérôme Kerviel était poursuivi pour abus de confiance, faux et usage de faux, et introduction frauduleuse de données dans un système informatique. Je vous passe les détails de l'enquête que l'on peut facilement retrouver sur Internet, notamment sur le site du Figaro. Il est cependant à noter que le parquet avait requis cinq ans de prison, dont quatre ferme, tandis que la Société générale réclamait le remboursement des 4,9 milliards d'euros "perdus". A la lecture du verdict, on comprend que la ligne de défense de Jérôme Kerviel - à savoir qu'il admettait avoir perdu le sens des réalités et l'introduction frauduleuse de données, mais pas l'abus de confiance, assurant que sa hiérarchie était au courant de ses agissements - n'a pas pesait lourd dans la balance judiciaire... Les juges ont notamment considéré que le trader ne pouvait être exonéré de ses devoirs professionnels et que rien ne laissait supposer que la banque connaissait et/ou couvrait les agissements de son salarié.

A mes yeux, ce procès était plus celui d'un système que d'un homme. Malheureusement, le formalisme juridique ne se prête guère à se genre de remise en cause (pourtant salutaire !) de l'institution bancaire. Ainsi, en faisant de Jérôme Kerviel le maillon faible de la chaîne bancaire, il a été possible de s'exonérer de toutes les véritables questions de fonds. Car, faut-il le rappeler, l'activité sur titres à repris de plus belle et contribue toujours autant au produit net bancaire... jusqu'à la prochaine crise et au prochain maillon faible que l'on condamnera ! Et dire qu'on parlait naguère de moraliser le capitalisme.

N.B : si j'ai souhaité illustrer ce billet d'une image du Titanic en train de sombrer, c'est moins pour parler de Jérôme Kerviel que pour évoquer tout un système...