En fait, Marianne et Jean-Paul ne s’aiment plus – plus vraiment, plus comme au début de leur relation en tous cas – mais ils l’ignorent, et l’arrivée d’Harry et de sa fille sera comme un souffle inattendu sur les braises de leur ennui de l’autre. En sont témoins – mais non une preuve, à peine un indice, et plutôt fugace – leurs pratiques sexuelles qui atteignent une certaine extrémité, voire une certaine violence : le jeu de l’amour ne les satisfait plus tout à fait et ils cherchent les sensations perdues dans d’autres distractions – mais là non plus, ils ne réalisent pas jusqu’où ils sont tombés puisqu’ils restent encore au stade où ils trouvent ça excitant…
Il leur faudra la dispute pour comprendre. Non entre eux toutefois, ni à cause de la toute jeune Pénélope qui ne semble pas vraiment se rendre compte de ses charmes : c’est l’année 1968 après tout, et la liberté d’aimer se trouve partout – surtout chez ceux-là qui ont assez bien réussi leur vie pour ne plus vraiment s’encombrer du quotidien des masses ni de leur morale d’un autre temps. En fait, Jean-Paul traine une bien vilaine blessure, du genre à l’épreuve du temps et dont les séquelles le rongent sans qu’il s’en aperçoive ; de plus, sa réussite professionnelle couvre cette méchante cicatrice avec ses gros billets qui, c’est bien connu, savent dissimuler les choses essentielles comme nuls autres.
C’est Harry qui leur ouvrira les yeux, mais sans le vouloir car il ne fait pas partie de ceux qui savent lire dans le cœur des hommes – bien au contraire. Chanteur à succès, lui aussi arbore de nombreuses balafres, et maintenant que son charme s’en va peu à peu il commence à les compter – ce qui lui fait horreur bien sûr, car elles lui rappellent qu’il se trouve lui aussi sur la liste de la grande faucheuse. Il se servira donc de sa fille comme d’un prétexte pour dire au bien fragile Jean-Paul tout ce qu’il a tu pendant trop longtemps et qu’il aurait mieux fait de continuer à garder pour lui.
Le spectateur sentira peut-être une légère angoisse à voir le dernier tiers du film lorgner du côté d’un de ces « mauvais genres » littéraires dont on goûte toujours les saveurs mais qui n’a pourtant pas grand-chose à faire ici. Le scénario, brillant, évitera cet écueil bien trop convenu pour nous livrer au lieu de ça une conclusion tout à fait à la hauteur du réalisateur et des comédiens d’immense talent qui le servent à merveille.
Cette perle du cinéma français n’a pas pris une seule ride en 40 ans. Elle pourrait se dérouler encore de nos jours, ou même demain. Certains pourraient même avoir l’idée saugrenue d’en faire un remake : ils n’auraient nul besoin de changer le script initial d’un iota, le public n’y verrait que du feu – mais ce serait idiot, bien évidemment…
La Piscine, Jacques Deray, 1969
Warner Home Video, 2009
100 minutes, env. 7 €