Sauter du lit

Boulevard sans angles effrayés, rue Claude Decaen juste avant d'accéder au stade Léo Lagrange, quelques îles fleuries, des trottoirs, du gazon par les eaux éventré vieille soupe. Il marchera en direction du musée des arts africains et océaniens en suivant la route des fortifications, il approchera sa tête d'hydre élastique dans la lucarne de Vincennes, mais gardera les yeux fermés, il sait qu'il n'y entrera pas, c'est si vert, rempli de l'absence irréprochable du béton. Manucurant son cortex en partant de la droite, révélant une foule d'idées inattendues et presque incroyables, des perfusions inabouties sans véritable fonctionnement. S'intéressant de près aux substitutions proposés par un masque facial de sorcier bambara, il entame une impossible négociation avec un cadenas à antenne amovible qui ne cède pas lourd sur le terrain des étreintes, quelques grammes de souillure divine, pas de miracle, ni de vision. Un masque en apnée, presque à bout de souffle. Il lui faut pourtant le porter, enfreindre le code, défaire l'usage, profaner in vitrine pour exaucer des messages trop longtemps retenus. A la place il déposera dans la vitrine une figurine de la tour Eiffel enfermée dans une boule à neige, l'escarmouche passera ainsi inaperçu. Puis l'idée à nouveau décroche de son périmètre, il sort du musée comme s'il n'y était jamais venu, s'achète un paquet de cigarette rouge et le jette immédiatement dans une poubelle et se souvient que la liberté est un fantôme. En entrant dans Dausmenil une autre idée le submerge, il s'immobilise là, à cet endroit comme s'il voulait que cette idée ne quitte plus cette zone. Il est debout au milieu d'un trottoir assez large, mais pas suffisamment large pour ne pas être remarqué. Après plus de deux heures d'immobilité, une jeune femme s'approche. Elle lui demande s'il va bien, il répond oui et elle s'en va. Il recommence à marcher, se retrouve assis dans une rame après être descendu dans la station Michel Bizot. A Strasbourg St Denis je ne le vois plus, je l'ai perdu dans la foule. J'achète une montre à la sauvette, et j'en fais cadeau à une femme qui se met immédiatement à m'insulter. Des paroissiens en chemise blanche ont allumés le caniveau devant l'entrée du passage Brady. Assis dans sa mangeoire un pakistanais lève la tête de son journal, lorsqu'il me sourit ses dents fondent, coulée de plomb sur chemise hawaïenne, la rue respire la friture et l'encens. Devant une boutique de dentifrices et d'autoradios je retrouve l'homme du 12° qui avance convaincu de son propre carnaval. L'univers se désolidarise de la méthode lorsqu'en entrant dans une boucherie, il achète du foie cru, beaucoup de foie cru et qu'il sort en distribuer au gens, aux visages, tous acceptent et tous à même le trottoir commencent à manger le foie cru que l'homme au masque de sorcier Bambara  distribue dans la rue.

Balder