introductions en bourse, crédits syndiqués, restructurations et fusion-acquisition, activité pour laquelle ces classements prennent une importance toute particulière. Michael Cohrs, co-dirigeant de l’activité banque d’investissement chez Deutsche Bank, précise que cette activité de conseil “ n’est peut être pas l’activité la plus grande ou la plus profitable, mais est clairement le cœur et l’âme d’une banque d’investissement parce qu’elle signale la force de nos relations»[1].
Apparaître dans les league tables est la garantie d’une importante visibilité dans la presse spécialisée ainsi qu’auprès des clients et prospects. Chaque année de très nombreux classements sont établis par de multiples acteurs et selon des méthodes pouvant sensiblement diverger. Aussi, face à une information extrêmement abondante, et souvent mise en avant par les banques elles-mêmes, dans quelle mesure est-il possible de se fier aux league tables ?
Des classements objectifs établis par des tiers de confiance
Ces classements sont établis par des tiers qui en garantissent l’objectivité, sociétés d’information financière pour la plupart. Dealogic, Thomson Reuters et Bloomberg produisent l’essentiel des league tables, sur l’ensemble des segments composant les marchés de capitaux, de financement et de conseil, tandis que Mergermarket est spécialisé sur le secteur de la fusion-acquisition. Les outils de consultation associés ont la particularité de laisser à l’utilisateur une grande latitude dans le choix des critères retenus pour la composition de ces league tables, ce qui peut faire sensiblement varier les résultats obtenus. Les premiers utilisateurs de ces classements étant ceux qui y sont notés, cette liberté présente un avantage indéniable.
Un classement très flexible
L’attrait principal de ces classements réside dans la large palette de segmentation possible de leurs résultats. Par exemple, la présentation des league tables de fusion-acquisition, basée sur la somme de la valeur des entreprises, permet plusieurs choix dans la façon dont sont comptabilisées les opérations : les utilisateurs de ces outils, lorsqu’ils souhaitent éditer un classement, peuvent par exemple sélectionner l’ensemble des opérations annoncées ou alors seulement celles qui ont été effectivement réalisées. Cette latitude méthodologique peut aboutir à des classements différents, comme lorsqu’il s’agit par exemple de comptabiliser ou non le rachat manqué de Rio Tinto par BHP Billiton pour 147,4 milliards de dollars.
Une autre méthode possible consiste à établir le classement sur la base du nombre d’opérations pour lesquelles la banque a effectué une activité de conseil ou sur la base de la valeur moyenne de ces opérations. Ainsi, un acteur majeur du marché mondial de la fusion-acquisition présente sa position dans les league tables de l’année 2008 en utilisant 5 paramétrages hétérogènes pour 12 league tables différentes (segmentations par secteurs géographiques et type de comptabilisation en ayant recours à Dealogic, Thomson Reuters ou Bloomberg).
Les différences de méthodes utilisées par les entreprises d’information financière, et les différents paramétrages choisis par les éditeurs de ces classements provoquent ainsi de fortes divergences dans les résultats des league tables, à tel point que les acteurs du marché eux-mêmes appellent parfois à l’harmonisation des méthodologies afin d’obtenir des classements plus homogènes.
Des controverses naissent d’ailleurs régulièrement autour de la comptabilisation de certaines opérations. Par son ampleur (72 Md€) le spin-off de Philip Morris International effectué par Altria a provoqué une polémique sur le type d’opérations comptabilisées comme relevant du secteur de la fusion acquisition. Les 7 banques qui avaient travaillé sur le spin-off faisaient toutes parties du top 10 des league tables de la fusion acquisition européenne au 30 juin 2008, alors que le leader de l’année précédente se voyait reléguer à la 8ème place du classement. Un des points de désaccord résidait dans le fait de qualifier si l’opération, destinée exclusivement aux actionnaires du groupe et ce sans achat ou vente à des investisseurs extérieurs, appartenait au cadre d’un mandat pour une opération de fusion-acquisition. [2]
Les méthodologies d’établissement de ces classements ont ainsi évolué à plusieurs reprises à des fins d’homogénéisation des résultats obtenus. Pour cela, en 2005, Thomson Financials (aujourd’hui Thomson Reuters) a mis au point un algorithme permettant d’évaluer les honoraires générés par les opérations de fusion acquisition. Cela a permis à cet éditeur de répondre à une critique récurrente sur selon laquelle la valeur d’entreprise cumulée des opérations ne reflète pas le degré d’intervention ni la complexité de l’intervention de chaque acteur. De la même façon en 2001 la règle du T+15 était introduite par Thomson Reuters, règle selon laquelle les banques d’investissement doivent déclarer une opération dans les 15 jours après la première annonce de l’opération, et cela afin de mettre fin à la pratique consistant à antidater certaines lettres d’engagements. Avant cette évolution, les banques recevaient avant chaque clôture de league table un récapitulatif des opérations afin de confirmer leur participation.
Ces controverses méthodologiques sont d’autant plus importantes que les entreprises et banques d’investissements utilisent régulièrement ces classements dans leurs processus internes de décision et de gestion. Un banquier actif dans le domaine des crédits syndiqués évoque ainsi la pratique consistant à adapter sa tarification sur certaines transactions susceptibles d’impacter ces classements, le bénéfice commercial en résultant étant mis en regard d’un budget promotionnel. [3]
Une perception relative
Mais les différents utilisateurs extérieurs des league tables sont bien conscients des possibilités à la main des banques pour améliorer leurs classements. Selon une enquête menée par La Lettre du Trésorier en Juillet-Août 20063 la moitié des trésoriers d’entreprises analysant les appels d’offres relatifs à la sélections des banques d’investissement ne consultent pas les league tables afin d’effectuer leur choix. Ceux-ci mentionnent majoritairement comme raison l’hyper segmentation qui permet toujours à une banque d’apparaître parmi les trois premiers acteurs. A contrario, les utilisateurs actifs considèrent que les notes de bas de page sur le périmètre considéré et la méthodologie utilisée permettent une comparaison à moyen, voir long terme (hormis éventuellement dans le cas de domaines fortement dépendant de la conjoncture, comme celui de la restructuration d’entreprise).
Cela ne doit pas faire oublier que le choix d’un partenaire bancaire relève parfois plus de la qualité d’une relation à long terme que d’un classement, aussi bon soit-il. La compréhension de l’entreprise et la capacité de la banque à la conseiller sur la durée dans la construction d’une vision et d’une stratégie adéquate sont aussi des éléments à prendre en compte.
Objet de nombreuses convoitises, l’atteinte des premières places des league tables entraîne l’utilisation de techniques de comptabilisation hétérogènes. Si ces classements sont critiqués sous le prétexte qu’ils servent principalement de vitrine commerciale, voir d’appui à la détermination des bonus, ils semblent bien refléter sur la durée, à la condition parfois difficile de conserver un périmètre constant, le positionnement compétitif des banques d’investissement dans leurs domaines d’activité respectifs. Aussi la lecture d’une league table nécessite presque systématiquement de la comparer à celle des années précédentes, en plus d’une lecture minutieuse des annexes méthodologiques présentant les critères de classement. Enfin, le critère humain étant prépondérant dans la relation entre les entreprises et les banques d’investissement, les league tables que propose Mergermarket, incluant un accès au profil et à l’historique des banquiers d’affaires, semblent offrir un éclairage intéressant à des fins de comparaison.
Cohrs Caps Career With Deutsche Bank on M&A Map Next to Goldman
[2] Harry Wilson, Financial News, 28 Juillet 2008, What a difference a deal makes to league tables ?
[3] Sophie Rack, La lettre du trésorier, Juillet-Août 2006, Qui fait confiance aux league tables ?
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