Communautés de boomers : best practices

Publié le 02 janvier 2008 par Christophe Ournaux

Aux Etats Unis, la génération du Papy-boom (un tiers des 195.3 millions d’internautes américains) et celle d’après (la Generation Jones, née entre 1954 et 1965, environ 26% des adultes américains) sont l’enjeu d’une guerre entre plusieurs dispositifs aux ambitions communautaires.

5 sites s’affrontent ainsi :

1° - est un site éditorial que l’on pourrait comparer à Senior Planet en France. Comme d’autres acteurs de l’édition en ligne, Rezoom a voulu tester l’eau du bain communautaire de cette génération si difficile à structurer tant elle renacle à se laisser enfermer sur une simple considération d’âge.
Quelques outils communautaires classiques ont été mis en oeuvre : partage de photos, création de blogs, communication entre les membres et création de groupes. Mais la mise en avant sur la page d’accueil est complètement timorée au point que seule la zone de login en haut à droite permet d’accéder à cette partie ! Pour Rezoom, la communauté n’est là que parce que c’est la mode et en attendant que cette mode passe, reste attaché à son bon vieux contenu éditorial.

2° - Eons a fait un peu la démarche inverse. Ciblé sur les plus de 50 ans, ce site à la fois éditorial et clairement positionné aussi sur le communautaire, se recentre sur sa partie communautaire: la startup lancée par Jeff Taylor le fondateur de Monster.com a licencié en septembre 2007 un tiers de son personnel et choisit de se concentrer uniquement sur la partie qui marche le mieux, la communauté et le réseau social de la communauté. Désormais, la rédaction d’Eons s’appuie d’avantage sur les contenus des membres et envisage d’avantage ses contenus de cette manière comme le confirme la fonctionnalité “BOOMing” qui permet aux membres de proposer en ligne les articles intéressants qu’ils ont découvert. Moins de ressources pour éditer le contenu, et pourtant un contenu de qualité car choisit ou généré par la communauté : c’est pas beau ça ?

3° - BoomJ est le seul vrai challenger sérieux d’Eons. Bommj s’adresse à une niche de population plus large qu’Eons. Erreur ou bonne idée, c’est dur à dire tant le critère de l’âge est peu discriminant sur ces populations aussi vastes qu’hétérogènes. Boomj propose comme les autres beaucoup de contenus éditoriaux, et s’il y a effectivement une communauté affirmée dès la page d’accueil et un positionnement affirmé, les fonctionnalités communautaires sont restreintes : blogs, groupes. Notons quand même deux originalités de bommj: une partie shopping avec des produits dédiés aux boomers et une ambition éditoriale très affirmée dans le cadre des élections présidentielles de 2008 pour lesquelles BoomJ a mis l’accent en proposant des contenus spécifiques pour son public et des outils interactifs.

4° - Teebeedee s’adresse aux plus de 40 ans (mais concrètement, plutôt aux plus de 50). Il propose une fois loggué des ressources éditoriales sur des thématiques “boomers” classiques comme le sexe, l’emploi, la formation, et la santé et la possibilité d’échanger entre membres sur le mode questions/réponses et de constituer des groupes.

5° - Boomertown ne propose pas grand chose pour le moment car il travaille actuellement à la refonte fonctionnelle de son site mais annonce un lieu de rencontre, d’échanges d’idées et d’expérience, et d’apprentissage pour reprendre le contrôle de sa vie et s’épanouir : un beau programme directement sortie d’une belle étude de marché, sans nul doute …

Quelques challengers travaillent à s’affirmer sur cette niche avec néanmoins des périmètres fonctionnels parfois différents :

- ThirdAge : De l’éditorial et une approche pédagogique intéressante ( Community workshop )

- My Boomer Place : “Like Myspace but better for people over 40’s”. un peu léger comme promesse utilisateur ! Beaucoup de fonctionnalités communautaires proposées mais rien de spécifique.

- Baby Boomer People Meet: Le meetic du boomer.

- My Plan After 50 : Un dispositif payant de coaching (physique, emploi, santé, formation) et d’organisation personnelle.

Conclusions:

1°- Bien que la génération du papy boom et celle qui les suit ne soit pas une cible très homogène propice aux communautés, beaucoup d’entreprises aux Etats-Unis s’emploient activement à tâcher de séduire, féderer et organiser cette population économiquement très intéressante pour les annonceurs. Les investissement consacrés sont très importants. Pour mémoire, Eons a levé 32 millions de dollars en deux fois : Sequoia Capital 10 millions de dollars en avril 2006 et $22 millions de dollars de Charles River Ventures, Intel Capital et Humana Inc. Whaou ! Et en france, qui va oser sortir son chéquier ?

2°- Un fond de contenu éditorial est essentiel, ne serait-ce que pour ratisser large dans les moteurs, éviter le syndrome de la boîte de nuit vide et parceque les séniors recherchent sur le net en priorité de l’information. Mais il faut aussi d’emblée valoriser les contenus produits par la communauté et ceux qui y contribuent le plus activement.

3° - Ce sont les fonctionnalités et leur pertinence par rapport aux problématiques de la communauté qui font la différence.

4° - La ségmentation par l’âge étant à la fois peu pertinente mais aussi stigmatisante et mal perçue par le public, une communauté de boomers doit s’imposer comme telle avec des contenus, une charte éditoriale et des fonctionnalités discriminant naturellement le public ciblé. De ce point de vue, un moteur de recherche dédié comme celui auquel travaille Eons est assez interessant.

5° - Le but des communautés et des réseaux sociaux reste de rapprocher les gens et favoriser le dialogue, les échanges et les contacts. Ceci doit rester la préoccupation majeure du dispositif et les contenus éditoriaux ne doivent être considérés que comme un socle pour encourager ces pratiques.


En France, quelle recette pour réussir enfin un vrai dispositif de conquête des papy-boomers ?

Il faut d’abord un gros fond éditorial, puis toutes les fonctionnalités strictement communautaires classiques, plus quelques fonctionnalités spécifiques parfaitement en phase avec les attentes du public. Il faut un système ouvert et communicant, une interface d’une charte et d’une ergonomie adaptée et sans faille. Enfin et surtout, et comme pour toute communauté, il faut des membres heureux qui s’approprient un dispositif qui finit par devenir addictif ! Et oui: si le public se plaît sur la plate-forme, il y revient fréquemment, s’y implique, devient un contributeur puis un véritable animateur.

Alors, qui relève le gant ? Un groupe de presse classique ou en ligne ? Une start-up ? Une banque ? Un voyagiste (cf ) ? Un prestataire de services à la personne ? Dans notre pays où le financement de projet internet est si timoré, pas certain que des projets communautaires d’envergure ciblés séniors voient le jour tant qu’outre-atlantique les précurseurs n’auront pas fait leurs preuves …

A suivre !