Ce qu’ils nous disent, c’est le message qui ici passe de la même façon dans le regard et la voix de ces handicapés de Kinshasa, confrontés quotidiennement à la misère urbaine, et malgré tout d’un optimisme à tour crin. Du moins dans le noyau dur du « Staff Benda Bilili » composé de cinq paraplégiques et de trois personnes “valides”.
Les vieux ont vécu et l’expérience aidant ils donnent le meilleur d’eux-mêmes pour s’en sortir. Par contre le plus jeune de la bande, Ricky (Leon Likabu) demeure grave, inquiet, malgré un avenir qu’il peut maintenant contrôler. Contrairement à ses collègues, il ne présente aucun déficit physique, il est jeune et talentueux. A partir d’une seule corde et d’une boîte de conserve, il devient le soliste, improvisateur indispensable au groupe.
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C’est à travers son histoire et celle de Roger Landu le leader du staff que Renaud Barret et Florent de La Tullaye, dressent un nouveau portrait, le troisième, de cette ville d’une extrême pauvreté. Leur rencontre avec le staff est dû au hasard, mais une fois en prise directe avec cette musique, et l’énergie vitale qui en découle, les voici impliqués dans un processus créatif inédit : tout en les filmant au jour le jour (et aussi beaucoup la nuit, au milieu des menaces), ils mettent en place les moyens d’un enregistrement d’un album, avant une tournée européenne.
Ca tient des bons sentiments, mais c’est la réalité. Ca fait peut-être conte de fée, et bien tant mieux,puisqu’à force de ténacité et d’une foi parfois un peu trop excessive envers ce dieu qui doit les conduire sur une rive meilleure, ils réussiront là , où plus d’un valide aurait déjà abandonné. Le handicap disent-ils est ailleurs, dans la renonciation, l’abandon, le désespoir. En pleine séance d’enregistrement (ils n’y sont pas arrivés du jour au lendemain) Roger apprend que sa maison a été entièrement détruire par un incendie Après un moment d’hésitation, on le voir reprendre son fauteuil et s’enfoncer dans la nuit en constatant que « c’est ça aussi la vie ».
Car même au plus fort de leur célébrité locale, ils dorment encore dans les rues de Kinshasa, que Renaud Barret et Florent de La Tullaye filment comme à la dérobée, ou en caméra caché. Il n’en est rien me semble-t-il mais l’esprit du documentaire qui les anime leur interdit toute mise en scène et apport technique autre que leur caméra légère.
Ce qui confère à l’ensemble une spontanéité (voir la scène de l’autochtone s’inquiétant de « ce que fait ce blanc avec sa caméra »), une vérité sans fard. Je m’étonne encore comment sur des instruments de fortune, des guitares sans âge, ils arrivent à sortir une musique aussi directe, pertinente et émotionnellement sans limite.
Leurs chansons parlent bien évidemment de leur vie, et même quand celle-ci leur sourit, ils n’oublient pas qui si « aujourd’hui on mange dans des assiettes, demain on retournera peut-être dans la rue ». Ce sont des scènes dans des hôtels européens, au cours d’une tournée triomphale, tout aussi joyeuses que les répétitions menées dans le zoo de Kinshasa.
Benda Bilili! a été présenté en compétition officielle à la Quinzaine des Réalisateurs du Festival de Cannes 2010. Où il n’a rien obtenu. La plus belle des récompenses n’est-elle pas l’accueil du public. A la fin de la projection au Studio de Tours, de nombreux spectateurs ont applaudi. C’est quand même un signe !