Cette semaine, je pourrais être à Athènes, Deauville, Madrid », soupire Nicolas Albin en déchirant son courrier du matin. Cancérologue à Rouen, il pourrait « partir tous les quinze jours » s'il le voulait. Mais il ne le veut pas. Dans un article publié dans la revue médicale Pratiques, qui ne bénéficie pas de financements de l'industrie pharmaceutique, Nicolas Albin attaque ces congrès qui vident régulièrement les services de cancérologie des hôpitaux français. Il appelle cela l'« onco-tourisme ». Comme nombre de ses confrères, il aurait pu aller à La Havane du 6 au 11 novembre 2005. Mais, demande-t-il, « est-il vraiment nécessaire de déplacer une centaine de médecins français sur le continent cubain afin d'améliorer leurs connaissances médicales ? Ne serait-il pas plus simple d'effectuer un tel congrès dans un lieu anodin, situé en France, à Evreux par exemple, plus propice à une réflexion médicale de qualité qu'une cure de farniente sur les plages cubaines ? » A ce congrès, 63 orateurs et une centaine de participants étaient prévus. Il calcule qu'un cancérologue voit en moyenne 25 patients par jour. Vingt-cinq multipliés par cinq jours de congrès multipliés par 100 médecins égalent combien de patients et de malades à diagnostiquer mis sur liste d'attente ? « Au moment où nous discutons des nécessaires économies de santé afin de pérenniser notre beau système de santé ouvert à tous, il convient de garder à l 'esprit que tant que les marges des laboratoires permettront de déplacer 200 médecins tous frais payés à Cuba pendant une semaine, ces dernières doivent être revues à la baisse », écrit-il. Le congrès médical, c'est plus que le congrès médical. C'est presque une institution...
" En pratique, l'industrie pharmaceutique est libre d'inviter, avion, hôtel, restaurant, un médecin à Sydney pour lui présenter un nouveau médicament. Ce qui change, c'est que l'épouse du médecin n'est plus invitée." ...
En 2005-2006, la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes a jeté son dévolu sur les ophtalmologues : 132 contrôles, 31 rappels à la réglementation, 12 procès-verbaux d'infraction. Première source de tracas : les congrès. Exemple : " Le congrès annoncé comme scientifique se transforme en séjour esssentiellement touristique, sans que le médecin n'en tire les conséquences sur le financement de son séjour à San-Francisco, Marbella ou Fort-de-France. le même constat peut être fait en ce qui concerne la participation à des manifestations sportives sous couvert de réunion de travail, matchs de football, golf, grand prix de formule1..." Et l'information strictement médicale, elle est où dans tout ça ?..
Stéphane Horel : extrait de " Les médicamenteurs " Editions du Moment 2010.
http://www.stephanehorel.fr/les-medicamenteurs-%E2%80%93-le-livre/