Août 2009 : au lancement de Grazia, beaucoup se sont étonnés que le magazine soit "broché" (il s'agit en fait d'une "piqûre 2 points métal", dixit un pro). Tous les féminins haut de gamme sont "dos carré collé". Pourquoi Grazia avait-il choisi de transgresser cela ?
1er octobre 2010 : Grazia sort en dos carré collé (c’est arrivé aussi pour les spécial mode), et je suis déçue : sans ses agrafes, il perd une partie de son identité frontale – celle délivrée notamment par les caractéristiques de l’objet physique, c’est-à-dire justement la reliure, le format, la pagination, la qualité du papier.
Le dos carré collé, plus cher, plus sophistiqué, plus solide que le brochage, est réservé aux publications ayant une certaine durée de vie. Aux magazines-objets que l’on garde pour leur valeur intrinsèque (qualité du papier, des photos). En vrac, les "revues", les mensuels et plus, les hors série, les numéros spéciaux, le luxe, les très grosses paginations.
À l'inverse, que peut-on associer au brochage ? Un peu basique (deux agrafes, s’il vous plaît), moins coûteux, ce procédé sied bien aux petits formats et aux faibles paginations puisqu’il est moins solide qu’un dos carré. Ce côté « moins » (moins cher, moins solide, moins sophistiqué) dégage un premier siginifé : <grand public>. Mais il y a aussi le côté "moins durable" qui l’inscrit dans un temps plus court, comme ces hebdos qui circulent beaucoup, passant de main en main. Bref, des news, de l’actu, vite consommés, vite obsolètes. D'où un second signifié : <actu>.
Il faut affiner. Car ce n’est que combiné à d’autres signifiants (options de format, de pagination…) que le /brochage/ prend tout son sens.
/brochage/ + /petite pagination/ = <populaire> (Closer, Nous Deux, Détective, Ici Paris)
/brochage/ + /grande pagination/ = <news> (L’Express, Nouvel Obs, Marianne, Fig Mag)
/brochage/ + /grande pagination/ + /grand format/ = <picture magazine> (Match, VSD)
/brochage/ + /grande pagination/ + /grand format/ + /identité féminine/ = Grazia
En faisant le choix du brochage, Grazia inaugure une combinaison inédite. Et se définit ainsi, de facto, comme un magazine d’un genre nouveau : le <mag d’actu féminin haut de gamme>. Renouveler le genre féminin, telle est bien l’ambition de Grazia qui, bien qu’attendu par tous comme un « féminin people », se composait déjà à son lancement de 35% d’actu pour seulement 10% de people. Une actu de plus en plus présente, surtout si l’on considère la propension de Grazia à considérer toute chose (en particulier la mode et le people) comme un phénomène… de société, susceptible donc d’être soumis au traitement news.
Reste qu’au-delà de 150 pages, les agrafes ne suffisent plus : le dos carré collé devient alors techniquement obligatoire, quitte à sacrifier ponctuellement un peu de l'identité du support…