Je ne sais pas vous, mais j’ai toujours lu avec une pointe d’admiration et d’envie les journalistes des magazines féminins qui se retrouvent à interviewer des super stars type Brad Pitt dans le hall d’un grand hôtel parisien et vantent à quel point il est resté simple et gentil….Et elle repartent amoureuses, ou presque, surtout si en faisant une petite blague elles réussissent à décrocher un numéro de téléphone ou bien une promesse d’interview futur. En tout cas, c’est ce qu’elles nous font croire. Et bien c’est (presque) ce qui m’est arrivé la semaine dernière.
Pas de Brad Pitt en vue – hystérie collective, s’abstenir – mais un jeune chanteur français, Benjamin Paulin, dont Tana a déjà parlé ici. Quoi, déjà deux billets sur un chanteur presque inconnu, qu’est-ce que c’est que ce clientélisme ?? Je vous entends d’ici. Mais quand Tana et moi avons reçu une invitation pour aller rencontrer Benjamin Paulin himself et l’inteviewer sur son album, on a foncé ! Enfin, surtout moi car Tana ne pouvait pas ce jour là
Du coup, je vous livre ici le compte-rendu de ma demi-heure passée avec cet homme moderne, dont l’album sort le 18 octobre chez AZ. Autant vous le dire tout de suite, quand on est sorti du café, on était deux – mon coeur d’artichaud et moi – à être sous le charme de cet amoureux des mots qui ne parle pas pour ne rien dire. Et ça, ça valait bien de poursuivre la série de LA question stratégique, les chanteurs sont-ils tous beaux ??
Les questions et ses réponses sont agrémentées de [mes commentaires, non exprimés à voix haute bien sûr].
Chacha : Salut Benjamin. J’ai pas préparé de questions précises, je pensais plutôt conduire une discussion informelle. Est-ce que tu pourrais commencer à me parler un peu de ton parcours ?
[Ok, je suis très en retard, j'ai couru, il a plu. J'ai pas eu le temps de regarder mais mes cheveux doivent frisotter. Ils frisottent, non? Putain je dois ressembler à un bichon. Merde, je vais jamais être crédible]
Benjamin Paulin : Je suis arrivé à cet album par le rap. J’étais dans un groupe de rap dans les années 90, Puzzle, et c’est à travers le rap, j’ai eu envie de découvrir les mots et la musique. A l’époque, il fallait des discothèques impressionnantes pour pouvoir sampler des morceaux. C’est comme ça comme j’ai découvert d’autres styles de musique comme le jazz. Le rap, pour moi, c’est l’art dernier : on prend des slogans, des bouts de musique, des bouts de culture et on remixe tout ça pour en faire autre chose. Mais après, il n’y a rien ou il y a tout. Mais pour moi, c’est resté une musique adolescente. Avec le temps, ma musique a évolué.
CC : L’homme moderne, c’est qui ? Qu’est-ce qui le définit ?
L’homme moderne, il est surtout plein de contradictions. Da ma jeunesse, le progrès, c’était bien. Aujourd’hui, j’ai 30 ans et on ne voit plus les choses de la même façon. Il y a une radicalisation des façons de penser. Tout est assez difficilement supportable et si on s’interroge trop, on ouvre des boîtes de Pandore. J’essaye de prendre le contre-pied de cela car pour moi, rien n’est grave.
CC : Ton album, il a une logique, il faut l’écouter dans un certain ordre ?
Oui, il a une logique. Dans les premiers titres, je me protège beaucoup. Et puis ça évolue au fur et à mesure des chansons. Dans la dernière, l’Homme Moderne, je n’ai plus de barrières.
[Merde, j'aurais du étudier les paroles avec plus d'attention.]
CC : J’ai lu que tu te définissais comme un solitaire. Ce n’est pas trop dur de devoir faire toute cette promo et de devoir porter ton œuvre sur la scène publique ?
L’album s’est fait en deux temps. Il y a d’abord la phase où je suis seul devant ma feuille et j’écris les textes et mes pensées. Puis, il faut que je devienne l’interprète de l’auteur que j’étais et c’est autre chose. D’ailleurs, parfois, je ne ressens plus exactement ce que j’ai écrit mais il faut assumer.
Si quelqu’un n’aime pas ce que je fais, j’ai l’impression que c’est moi qu’il n’aime pas. J’essaye de changer mais c’est vrai que ce n’est toujours évident. On te demande de développer un certain égo en tant « qu’artiste » même si j’ai horreur de ce mot, et pourtant, très souvent, on te demande de t’assoir dessus.
CC : Pourquoi tu n’aimes pas le mot d’artiste?
Ce mot, c’est une blague ! Pour moi l’artiste accepte l’ombre et il accepte de mourir pour son idée de l’esthétique. Il accepte la solitude. Ce n’est pas mon cas. J’ai envie, si ce n’est de plaire, au moins de déplaire.
CC : C’est assez nitzschéen comme façon de voir les choses, non?
[Je t'ai impressionné là, c'est bon ?
Effectivement, Nieztsche m’inspire beaucoup dans sa volonté de casser les idôles. Je me suis reconnu dans beaucoup de choses qu’il a écrites.
[Hum, changeons de sujet, il ne faudrait pas que je me décrédibilise maintenant.]
CC : Etre le fils de ton père [NDA : le designer Pierre Paulin], qu’est-ce que ça t’a apporté?
Mon père m’a surtout inculqué une certaine notion du goût, de l’esthétique. J’aime les choses propres, je n’aime pas quand c’est surchargé et j’ai horreur de la vulgarité.
CC : J’ai lu que tu étais juif polonais et d’origine italienne, suisse et allemande. Comment c’est possible ?
Je suis juif polonais par ma mère. Mon père était à moitié suisse-italien et à moitié suisse-allemand, voilà qui explique tout ! C’est très avantageux mais ça peut aussi être très déconcertant. C’est une grande liberté mais en même temps, ça peut être agréable de vouloir retourner dans « son village ». Je pense que c’est plus facile de donner du sens quand on a des appuis terrestres forts, ce qui n’est pas mon cas.
[Incroyable, ce mec vient de dire exactement ce que je pense après avoir réalisé que je n'avais pas de racines fortes et que venant d'un peu partout, je viens aussi d'un peu nulle part. C'est un signe, ça non ?!]
CC : quelles sont tes inspirations ? les grands auteurs / penseurs / chanteurs qui te parlent ?
Je vais te paraître stupide [mais non, aucun risque, je t'assure], mais beaucoup de mal à lire et à écrire en même temps. J’adore Louis-Ferdinand Celine par exemple mais si je me mets à lire un Celine, je ne peux plus écrire pendant 6 mois. Parce que c’est tellement intense et beau, que je me dis « à quoi bon? ». Et j’ai vraiment besoin d’assimiler ce que je lis. Mais oui, sinon, j’adore Celine, ou Albert Cohen.
CC : Albert Cohen ? J’ai aussi lu que tu disais aimer Léonard Cohen, les frères Cohen et tous les Cohen du monde?
Oui, et tu peux rajouter Sacha Baron Cohen ! J’adore ce qu’il fait, je le trouve génial. En termes d’humour, je suis fan aussi des Monty Python ou encore de Troy Parker, le créateur de South Parker. Une fois passé le côté « pipi caca », South Park traite des thèmes vraiment intéressantes.
CC : Tu restes dans l’humour un peu noir alors ? Le cynisme ?
Ah toujours ! Quand j’écoute une chanson trop mielleuse, j’ai envie de tout casser chez moi ! C’est comme pour les chansons d’amour. Je crois à l’amour mais l’amour, ce n’est pas de la platitude, c’est de la passion ! Des sentiments forts ! Ca ne peut pas être une chanson de Patrick Fiori !
CC : Ah bon, et Celine Dion? Non parce que j’adore
Ah bon?
CC : Nan je déconne !
[Putain je déconnais pour de vrai, tu me crois, hein ??] Mais Celine Dion a une technique incroyable. Mais c’est difficile de faire de la masse et de faire de la qualité. Moi, c’est ce que j’essaye de faire, une oeuvre qui plaise à tout le monde. Car c’est ça, non, une vraie oeuvre ? Une oeuvre rassemble tout le monde.
CC : Tes prochains concerts?
C’est en cours, je te tiendrai au courant des dates.
CC : Ok Benjamin, merci pour ton temps et merci pour tout !
Merci à toi et si t’as d’autres questions, n’hésite pas, je suis à ta dispo.
[Ah ma dispo? Je vais me gêner tiens.........quand même, qu'est-ce qu'il est simple et gentil
En exclu, découvrez le prochain single de son album, Notre futur n’a pas d’avenir, le titre préféré de Benjamin Paulin