Ca fait 10 minutes que nous attendons dans le couloir C, et il n’y a aucun banc pour s’assoir. Donc on est là debout dans le couloir C, à prendre appuis tantôt sur la jambe droite, tantôt sur la jambe gauche, tout en discutant de l’avenir de nos enfants. Et l’avenir de nos enfants (surtout leur avenir l’année prochaine en CE2) ne parait pas très rose.
Toutes les 5 minutes environ, la porte s’ouvre. Une maman sort de LA pièce et une autre y rentre. Parfois il s’agit d’un papa, mais rarement. Un papa ne vient à l'école que dans les cas vraiment désespérés: Junior va redoubler, Junior se drogue, Junior a mis le feu et attend la DASS dans le bureau du directeur. Pour faire déplacer un papa à l’école pendant les heures ouvrables, il faut avoir de très bons arguments. Il faut croire qu’une maman (même si elle travaille – je me comprends) considère que les réunions scolaires c'est sa partie.
Lorsqu’une maman sort de LA pièce, le volume sonore du couloir baisse sensiblement pendant quelques secondes. Les regards se tournent vers ELLE (qui sait maintenant) et le visage de ELLE est scanné rapidement par nous autres de la queue leu leu.
On y cherche la honte (Junior est au bord du redoublement), le désespoir (les cours particuliers n’ont servi à rien, Junior reste un cancre), la fierté (Junior est premier de la classe) ou encore la fanfaronnade (la maîtresse a enfin reconnu que Junior est précoce).
Personne (ou presque) ne demande « alors ? » Nos enfants sont dans la même classe, mais on n’a quand même pas gardé les vaches ensemble. Quelque fois, l’une d’entre nous sort de la queue leu leu, et après deux bises sonores (une intime de ELLE surement), entame une petite discussion avec ELLE. Elle a quelques indices sur l'ambiance, la chance !
Entre ces intermèdes que constituent l’ouverture et la fermeture de la porte, et les entrées et sorties des mamans, la conversation va bon train.
« Et vous savez qu’avec M. Duchemol, ils en sont déjà à la page 68 du fichier de math (et oui ma bonne dame, on a encore tiré le mauvais numéro…Ah j’vous jure). Avec tout ça, ça m’étonnerait bien qu’ils terminent le programme ! L’année prochaine en CE2 ca va être dur ». « Et en plus il parait qu’elle ne les met pas au niveau en orthographe» (Ah lala ça me rappelle que Fils Ainé avait dictée ce matin. J’espère qu’il a bien pensé à mettre un d à la fin de lézard ! pense à lézarder, je lui ai dit. Lézard, lézarder !). « Et quand je vois TB à côté d’une dictée où il y a trois fautes…hein…je suis quand même vraiment étonnée. Moi de mon temps, c’était 3 fautes zéro…. ». Ouai tout fou l’camp ma pauv’ dame. Ce qui rassure un peu quand même c’est que tout foutait déjà l’camp de mon temps. J'entendais déjà les adultes (qui en ont vu) « Mme Truc est nulle et laxiste », ou encore « c’était beaucoup plus strict aaavant, qu'est ce qu'ils vont devenir ces pauvres petits ». Bon finalement ça c'est pas trop mal passé.
Mais c’est déjà à mon tour. J’entre dans la pièce. Je ne suis plus qu’à 2 mètres de la maîtresse. Elle est assise derrière son bureau et devant elle, se trouve le papier rose ! Dessus en gros, c’est marqué Bulletin scolaire de Fils Ainé. C’est qu’il est déjà en CE1, et c’est pas rien quand même le CE1, parce que l’année prochaine, c’est le CE2.