Essaye de te concentrer.
Je ferme les yeux très forts, les mains sur l’émail froid du lavabo de la salle de bain. En face de moi, le miroir. Je ne le vois pas. Pour l’instant, les paupières closes, des lumières doucement orangées valsent devant mes yeux.
Ouvre-les à présent.
La clarté éblouissante de l’après-midi, tout ce blanc, m’aveugle un moment. Mon reflet dans le miroir n’a pas changé. Toujours ce visage que je ne reconnais pas, pourtant le mien, si éloigné du visage gracile et pâle dont je m’attends parfois à croiser le regard.
A l’intérieur, je suis belle.
J’ai quinze ans. Mon corps ne me ressemble pas. Combien d’années me faudra-t-il attendre encore pour que quelqu’un pose un regard tendre sur ma bouche, y dépose un baiser, caresse mes cheveux ?
La semaine dernière, une lointaine connaissance a dit à ma mère : « Vous avez vraiment une belle fille, Madame. » Cet homme-là ne parlait pas de moi... J’étais là, transparente, même pas laide, ordinaire.
A l’intérieur, je suis belle.
Qui le verra ?