Ce week-end, alors que la presse bruissait de mille petits papiers sur une grève dont on peine réellement à voir ce qu’elle va changer dans le paysage politique ou social français, se sont accumulés quelques nouvelles croustillantes qui, évidemment, ne passent pas le barrage de la première page ; il est certain que les crétineries affolantes de Montebourg sur TF1, le lapsus débile de Chatel, et la découverte stupéfiante d’un Pétain antisémite concourent largement à occuper les premières places dans la course effrénée que se livrent les journaux pour enfumer leur lectorat dans le nuage opaque et pestilentiel de leur pensée confuse.
Exception cependant : cette même presse, qui adore coller un gros micro sous le nez baveux des politiciens en attendant sournoisement la bourde, s’est tout de même penchée sur les dernières déclarations de Fillon.
Consternation dans la presse de gôche, frétillement dans la presse de droâte : il serait question de supprimer le bouclier fiscal ET l’impôt de solidarité sur la fortune.
Évidemment, même si d’après lui, le sujet n’est pas tabou auprès de son patron, cette petite opération, dit-il, diminuerait de trois milliards les recettes du trésor qui, en cette période, ne sont pas fameuses fameuses. On peut sourire en se demandant combien de milliards sont perdus, sans espoir d’être retrouvés un jour, par la fuite des fortunes due à cet ISF que la France semble décidément bien seule en Europe à avoir conservé.
Mais ce qu’il y a de plus intéressant dans les déclarations du premier ministre, décidément positionné dans le demi-teinte entre dernier salut avant départ et présentation d’un bilan de pré-candidature, c’est cette volonté affichée de vouloir remettre à plat toute la fiscalité française : si on n’avait pas à faire à l’un de ces pipoteur de grand chemin que notre pays produit tous les ans par brassées entières, on pourrait se dire qu’enfin, le problème dantesque du code de la fiscalité, des milliers d’articles tous plus confus les uns que les autres, les centaines de niches, les milliers de dérogations, les centaines de taxes différentes allaient pouvoir être remis à plat, remplacés par un système simple et limpide, permettant à chaque contribuable de pouvoir calculer, à l’euro près, le montant de ses impôts.
Sans être le rêve, ce serait la fin du cauchemar Arbitraire & Aspirine sponsorisé par Bercy à chaque déclaration. Mais voilà : de droite comme de gauche, ces mêmes pipoteurs de grand chemin sont en réalité en pleine phase d’aiguisage de leurs arguments pré-électoraux. Peu importe, en réalité, la situation catastrophique du pays et les gros nuages noirs (dettes, crise monétaire, …) qui s’accumulent à l’horizon : ils ne voient, de cet horizon, que le mois de mai 2012.
Il y a donc fort à parier que cette « refonte fiscale » ne verra jamais le jour. Mais bon, comme la presse a daigné mettre sur le tapis l’éventualité d’un soupçon de potentialité d’une ébauche de réflexion sur la possibilité d’envisager la suppression éventuelle de l’ISF, le débat est ouvert. Gageons qu’il durera exactement dix-neuf mois, en tâche de fond très discrète.
Parallèlement à ces petites poussées d’urticaire, on apprend dans la presse alternative (mais de gôche toujours – nous sommes en Fraônce, ne l’oublions pas) que Borloo souhaite récupérer les locaux en haut de l’Arche de la Défense.
Jusque là, rien de bien violent et on comprendrai presque que ni Libé, ni Le Monde, ni le Fig n’en parlent dans leurs pesantes colonnes. Cependant, quand on prend connaissance de l’article de Rue89, on comprend que la situation est un peu plus tendue : en réalité, ce que veut Jean-Louis, c’est récupérer le haut de la Grande Arche pour ses réceptions et cocktails. Et comme c’est déjà occupé, il faudra en virer les actuels bénéficiaires, c’est-à-dire un Musée de l’Informatique et du Jeu Vidéo dont le gérant lui-même explique qu’il est pourtant bénéficiaire et emploie 50 personnes.
De côté des ministères et des hommes politiques, c’est évidemment le mutisme. Jean-Louis, voguant calmement du pas de l’habitué d’un Johnnie Walker on the rocks vers un Four Roses bien tassé, ne s’est pas prononcé sur les remarques de Philippe Nieuwbourg, le gérant du Musée. Devedjian, président du Conseil Général des Hauts de Seine, rouspète vaguement, sentant bien que l’affaire va tourner au vinaigre si cela se sait. Mais globalement, tout le monde semble s’en ficher, de ce musée : on ne peut pas, décemment, bloquer les Petits-Fours De La République dans les coursives grisâtres d’une obscure galerie d’exposition destinée à des technologies barbares et électroniques que seuls quelques geeks poussiéreux comprennent, voyons mon brave !
D’une certaine manière, cette affaire et son peu de retentissement dans la presse nationale illustre parfaitement le mépris décontracté et parfaitement innocent de nos élites pour les choses qui ne les concernent pas ; ainsi, je suis absolument certain que le petit Jean-Louis ne nourrit aucune espèce de méchanceté à l’égard de ce musée, mais que dans sa plus parfaite ignorance de ce qui s’y passe et des enjeux derrière, il a jugé, entre deux papiers ennuyeux à signer, que ça pouvait bien disparaître pour son confort personnel.
Au passage, on se demandera pourquoi le Ministère de la Développitude Durable organise des cocktails. D’une part, c’est carbono-irresponsable. Et d’autre part, en ces périodes de disette, toutes les dépenses correspondantes devraient absolument disparaître ; le pays n’a que faire de diplomatie et de représentation alors qu’il est aux abois.
Bref : irresponsabilité, méconnaissance du sujet, décisions idiotes et dépenses somptuaires débiles, nous touchons ici encore aux habitudes de travail des politiciens du pays. Je vous encourage à relayer l’article (le mien ou celui de Rue89, une fois n’est pas coutume), histoire de faire connaître ce véritable scandale – dont on peut être sûr que, s’il venait à prendre de l’ampleur, il se dégonflerait mollement tant le manque de courage se dispute en plus à celui de lucidité dans « l’élite » du pays.
Et pour continuer sur le registre des petites nouvelles passées sous le radar de la presse franchouille, évoquons rapidement la catastrophe immobilière en cours aux Etats-Unis, et qui semble n’inquiéter absolument aucun journaliste tant ce qui se passe outre-atlantique n’est évidemment pas possible en France, pays où tout est bel et bon.
Pour résumer l’affaire dont vous pourrez lire le détail chez mon éminent confrère Vincent Bénard ici, là, là et ici pour l’article initial au complet, les banques US ont prêté un volume d’argent d’un assez beau gabarit pour de l’immobilier, et ont commencé à se racheter entre elles, à se passer les créances douteuses les unes aux autres, se les repackager gentiment, et, dans la foulée, perdre un peu en route le sens des procédures et des petits papiers légaux. Pas assez paperassiers, ces amerloques.
Bilan des courses : les droits de propriétés ont été plus ou moins égarés ou perdus dans la tuyauterie légale des remous importants que la crise financière a engendré sur le marché bancaire ces deux dernières années.
Le souci se fait jour lorsque les banques doivent récupérer les biens hypothéqués, ce qui arrive de plus en plus fréquemment, crise aidant : n’étant pas légalement propriétaires (ou ne pouvant le prouver), l’imbroglio tourne à la pièce de boulevard. Comme le résume Vincent :
certaines banques semblent s’être décidées à aller défendre devant les juges leur reprise de possession de maisons en défaut… « au flan », avec la complicité des foreclosures mills, dont la charge de travail est devenue telle que les procédures internes de vérification de la validité des titres de propriété sont devenues au mieux laxistes, au pire frauduleuses
Mmh, vous sentez cette petite odeur de soufre ? Eh oui : l’ampleur du problème (qui se chiffre maintenant en dizaine de milliards de dollars) risque bel et bien de faire capoter de très grosses institutions bancaires, et, en bout de chaîne, Freddie et Fannie, les deux institutions de crédit « en dernier ressort » de l’immobilier américain.
Par effet de bord, il est donc plus que probable que les développements de ces affaires auront des conséquences graves sur l’économie américaine puis mondiale… donc française.
Heureusement, nos politiciens s’y préparent. Nos journalistes enquêtent. Nos syndicalistes, nos forces vives et nos députés planchent sur la question.
Tout va bien.
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