Cette « forme » des “entretiens” n’est pas toujours attractive : ce ne serait qu’une interview un peu plus longue que les autres pourrait rebuter par le caractère « haché » du texte et, bien souvent dans cette formule, l’absence de fluidité. Ici rien de tel, Pierre-Jules Gaye réussit à sauver l’exercice. Les questions sont brèves et bien intégrées dans un ensemble correctement structuré et « lié » de bonne manière. C’est gouleyant sans jamais lasser.
Sur le fond, les béotiens apprendront sur cette bonne ville d’Auxerre et son histoire sociétale, sa capacité à faire naître » des « racines », ses panachages architecturaux témoignages de passés superposés, cette union de quartiers dépareillés et réunis par un fleuve “colonne vertébrale” ambitionnant de devenir “coeur”.
Puis il y a l’épopée de la « prise du pouvoir » décidée très tôt par un tout jeune homme assez secret animé d’une volonté simple de gagner. Une volonté qui se donne le temps, qui le gère avec patience mais sans jamais véritablement douter. L’ouvrage prend ici du volume car il dépasse le strict microcosme auxerrois.
Il raconte une volonté de « pouvoir » simplement énoncée et sans fard : « je voulais gagner » … Tout simplement. Férez ne se cache pas derrière des formules compliquées pour justifier une ambition. Il l’affirme avec brutalité, comme une évidence; il la revendique.
Il décrit les difficultés, les aléas, les hésitations finalement peu nombreuses, les moments charnières, ceux où tout peut basculer.
C’est aussi avec cette franchise assez rare dans ce milieu souvent habité par les contrefaçons et les faux-semblants que le bouquin devrait satisfaire ceux qui peuvent se poser des questions sur les motivations réelles des acteurs politiques, les ressorts de la ténacité : du roboratif pour ceux qui ne cessent de critiquer les acteurs de l’action publique.
Enfin, puisque j’ai participé aux péripéties de cette « passion » gagnante, à ma manière, en adversaire, je peux affirmer que tout ce qui est écrit concernant les périodes que j’ai eu à connaître est rigoureusement exact. Là n’est point, non plus, la moindre des qualités pour ce genre d’exercice.
En refermant le livre, on se prend à rêver d’en lire un autre, celui qui rassemblerait les réflexions du prédecesseur de Férez à la mairie d’Auxerre, Jean-Pierre Soisson, Maire et Ministre pendant 14 ans, sous Giscard et Mitterrand … Est-il possible que Soisson accepte le challenge et surtout réserve à l’entretien la même franchise sans fard ? Rien n’est moins sûr !