Les Royaumes crépusculaires / Mathieu Gaborit

Par Bibliomanu
Parmi les lecteurs de Fantasy ou de Science-Fiction, genres où les cycles à rallonge ont pignon sur étagères ou sur présentoirs, il y a principalement deux écoles dans lesquelles vous trouverez:
* ceux qui lisent les préquelles ou les nouvelles se situant dans l'univers d'un cycle pour se donner une idée avant de tenter le grand plongeon. Ceux là sont plutôt rares : bien souvent la parution de tels volumes s'effectue une fois que la série a connu un certain succès, ce qui suppose un nombre déjà important de titres.
* ceux qui lisent les tomes au fur et à mesure de leur parution, quitte à relire le ou les volumes précédents pour chacune d'entre elles, histoire de tout se remettre en tête.
* ceux qui attendent qu'un cycle soit terminé pour entamer sa lecture tout en ayant conscience qu'on n'est jamais à l'abri d'un phénomène de lassitude en cours de route ou de la parution post-mortem d'un manuscrit oublié au fond d'un tiroir et miraculeusement retrouvé.
Je fais pour ma part partie de la dernière catégorie, tout en ayant pratiqué la deuxième pendant un certain temps. Après tout, avec une intégrale, on est en droit de se dire que l'histoire est terminée, que l'on aura son début, son milieu, sa fin, et point barre. Quoique je dis ça, je dis ça, et le dernier tome du Trône de Fer de George R.R. Martin n'est toujours pas paru en langue originale tandis que les premiers tomes de son intégrale sont déjà sortis. Mais peut-être faut-il y voir là le signe de l'exception qui confirme la règle...
Enfin bref, quand est enfin venue l'heure de réunir l'ensemble des œuvres de Mathieu Gaborit gravitant autour des Royaumes crépusculaires, j'ai été plutôt enthousiaste. De cet auteur, je n'avais lu que les [réussies] Confessions d'un automate mangeur d'opium, écrites conjointement avec Fabrice Colin. Avec cette intégrale, c'était donc pour moi l'occasion de découvrir un univers dont je ne savais rien, sinon qu'il avait déjà rencontré un succès certain lors de ses premières éditions.
Seulement, je n'ai pas été emporté aussi loin que ce que j'aurais pu imaginer de prime abord même si le début était plus que prometteur. Le père d'Agone vient de mourir. A cette occasion, le jeune homme revient à la baronnie de Rochronde où l'accueil qui lui est réservé est à la hauteur de ses attentes : glacial. Agone avait depuis longtemps signifié sa volonté de ne jamais succéder à son père. Il avait préféré rejoindre la fraternité de Préceptorale, devenir itinérant et enseigner la lecture et l'écriture dans les campagnes. Autrement dit, il avait choisi la voie diamétralement opposée à celle que son père lui destinait. Cependant, en guise de testament, aux allures de dernière volonté, ce dernier l'enjoint de rejoindre le collège de Souffre-jour. Au bout de six journées d'enseignement, Agone sera libre de choisir entre la baronie ou Préceptorale, sans que personne ne puisse revenir sur sa décision.
Les Royaumes crépusculaires est un ouvrage original par bien des aspects. Mathieu Gaborit est parvenu à créer un univers à part entière, à la fois fouillé et intrigant. Malheureusement, je n'ai pas été transporté. Ce n'est pas ce monde si particulier et si riche qui m'a rebuté mais bien le style de l'auteur que j'ai trouvé trop descriptif, trop chargé. A tel point que j'ai eu l'impression de ne jamais vraiment avancer dans ma lecture, comme si chaque action était par trop décomposée et, paradoxalement, empêchait mon cerveau de générer des images précises, celles que cet univers méritait sans doute et que d'autres ont par ailleurs su puiser. De même, je n'ai pas été sensible à la psychologie d'Agone, tantôt très maître de lui, tantôt d'une naïveté désarmante, ce qui lui a fait perdre de la crédibilité à mes yeux. Certes un personnage n'a pas à être trop tranché, mais quand sa psychologie est à ce point si disparate, cela a tout de même de quoi décontenancer.
Néanmoins, ne lisez ici qu'un avis de lecteur rencontrant en général bien des difficultés avec la Fantasy. Je suis sûr que les Royaumes crépusculaires trouveront un lectorat bien plus... éclairé ?
Les Royaumes crépusculaires, l'intégrale, Mathieu Gaborit, Mnémos (Icares), 484 p.