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Déception amoureuse à trois

Par Borokoff

A propos de Les amours imaginaires de et avec Xavier Dolan 3 out of 5 stars

Déception amoureuse à trois

Au Québec, Francis (Xavier Dolan) et sa meilleure amie Marie tombent amoureux en même temps de Nicolas, tout juste débarqué de la province et qu’ils ont rencontré à une soirée. Mais Nicolas ne semble attiré ni par Francis ni par Marie, ce qui a le don de crisper au plus haut point les deux amis qui vont aller jusqu’à se fâcher…

Si le second film de Xavier Dolan n’a pas la même tension dramatique que J’ai tué ma mère, il y en a un style que le jeune réalisateur et acteur canadien confirme incontestablement dans Les amours imaginaires.

Répétant des figures de style déjà vues dans son premier film comme ces plans dans la forêt canadienne filmée pendant l’automne, Dolan use parfois à l’excès des violons ou du ralenti qui fonctionnait si bien dans J’ai tué ma mère pour traduire ce point sans retour de névrose qu’avait atteint son personnage principal dans son premier film.

Dans Les amours imaginaires, on n’est jamais loin de la crise de nerfs  mais le portrait de Francis par Dolan est emprunt d’une forme de narcissisme qui fait paradoxalement tout le charme de son film.

De quoi s’agit-il dans Les amours imaginaires ? D’un jeu amoureux en triangle qui aboutit sur une forme de déception cruelle pour Marie et Francis. Où la désillusion et le désespoir amoureux conduisent à une forme de rivalité farouche entre Francis et Marie. Où tous les coups sont permis. Mais le constat que Nicolas est au final une « cuillère vide » (charmante expression québécoise pour traduire le manque de caractère d’un personnage) permettra leur réconciliation. Après tout, Nicolas n’aimait aucun des deux. Mais c’est la fable du renard et des raisins.

Là où les personnages s’écoutent parler ou se regardent le nombril, là où Dolan tourne en rond sur des effets qui rendent plus superficiel le film et qu’il répète à l’excès comme le ralenti, il y a en contrepoint la revendication d’un style et une certaine virtuosité formelle qui rappellent au talent et à la culture cinématographique d’un réalisateur qui, ne l’oublions pas, n’a que 21 ans. Un parti pris formel et l’affirmation courageuse d’un style que l’on ne peut pas lui retirer.

Mais parfois, Dolan se laisse aussi emporter par cette maîtrise formelle au dépend de la tension dramatique. Il dit des choses pertinentes sur l’amour (« on est amoureux de la distance ») et l’intervention de personnages qui n’ont rien à voir avec l’histoire mais témoignent simplement, comme dans un documentaire, de leurs mésaventures amoureuses est une idée originale qui enrichit le montage final. Mais la répétition des ralentis finit par affaiblir le propos du film.

Dolan est un obsédé des costumes. Ses personnages changent constamment de tenue plusieurs fois par jour, dans un style rétro des années 1960 qui va jusqu’à la coupe de cheveux de Marie. Très jacky Kennedy. Peut-être qu’après tout la redondance des formes, la répétition des figures de style sont-elles l’apanage des grands réalisateurs auxquels emprunte Dolan (en premier Wong Kar-Wai). Comme une tocade ou une obsession.

Toujours est-il que l’éphèbe blond Nicolas fait tout de suite penser dans sa beauté et son côté silencieux à l’adolescent polonais Tadzio dans Mort à Venise de Visconti. Mêmes traits du visage, même beauté androgyne. La citation n’est pas faite par hasard et saute même aux yeux. Il ne manque plus qu’à Dolan de se détacher davantage de ses modèles. D’être moins formel en quelque sorte. Mais difficile d’en vouloir à un réalisateur de cet âge là. Car il ne manque ni de trempe ni de culot…

www.youtube.com/watch?v=6gCPIof4kNQ


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