“ « La polygamie n’est pas si terrible que ça. » C’était là la pire insulte jamais faite aux martyres de cette pratique d’un autre âge.”
“C’est une honte de se taire, et de laisser parler les barbares.” lui répond Euripide dans son Philoctète
Elles attendent, ces mères et ces épouses au Sénégal sur une île face à l’océan. Elles attendent leurs hommes partis en Europe, l’Eldorado. Arame, Bougna, Cumba et Daba sont les héroïnes de cet essai. Pour un français, ce voyage en pays guelwaar offre un angle de vue intéressant sur ces contrées et leurs habitants.
Fatou Diome est une combattante. Au fil des pages tout y passe des religions aux gouvernements, de l’humanitaire aux banquiers, de la tradition à la modernité, les émigrés partant laissant le pays sans force, les occidentaux faisant semblant de les empêcher et restant des colonisateurs, la polygamie entrainant une surnatalité, l’absence d’éducation des femmes… Ce roman est un essai, un cri, il force le respect dû à la guerrière guelwaar.
A la recherche de cette Afrique modernisée, libre, autonome et intégrée librement dans la mondialisation de la petite planète Terre, faisant feu de tout bois contre tout et tous, la pensée de Fatou Diome s’essouffle et se répète venant à se contredire d’une page à l’autre. Les 325 pages du roman lui font perdre de sa densité, de sa force, de l’énergie d’un début tonitruant.
Fatou Diome gagnerait à concentrer son message comme je l’ai vu faire avec force en entretien sur un plateau télévision en choisissant ses batailles.
Vous compléterez utilement la lecture de ce roman avec cet excellent article sur le Sénégal du département Aménagement linguistique du monde de la Faculté de Laval au Canada écrit par Jacques Leclerc. La situation semble différente si l’on est Wolofs musulmans ou Sérère catholique. L’unité du pays, toujours à réaliser, se fait par la langue, l’éduction et l’histoire.
Le livre fit l’objet d’une certaine couverture médiatique et même si l’on peut regretter un certain manichéisme par moment notamment sur l’économie ou la colonisation, le combat de Fatou Diome mérite d’être lu et proposé au plus grand nombre.
“L’Atlantique peut toujours rugir, il ne rugira jamais assez fort pour étouffer l’éloquence des soupirs. Or, ce sont les soupirs qui disent le mieux le poids de la vie.”
“Un léger vent soufflait, soulevait le linge multicolore tardivement étendu par une femme aux ongles déchiquetés qui, théorie décroissance ou pas, aurait voulu elle aussi une machine à laver.”
“Dans l’esprit des défenseurs du microcrédit, qui croyaient agir pour leur bien, 2% ce n’était rien. Arame et Bougna avaient certes mis du temps, mais elles avaient fini par se rendre compte qu’un bénéfice de 2% multiplié par un nombre incalculable de pauvres restait pour la banque une manière d’engranger du profit, aussi efficacement qui prêtent aux riches, moins nombreux, à des taux plus élevés. Le capitalisme humanitaire n’existe pas.”
Très bon conseil de lecture de ma librairie, “les guetteurs du vent”
Flammarion, 20€, 325 pages, août 2010.
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Lectori Salutem, Pikkendorff
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