Ils me regardent tous comme pour chercher où je peux bien cacher ces quinze kilos qui me manquent. Il y a Merlandon. Il y a Ginette et son fiancé, le Vétérinaire. Et Pierre. Pierre explique au vétérinaire qu’il prend des petites pilules rose pour son foie. Deux chaque matin. Il ne sait pas ce qu’ils y mettent, dans ces pilules, mais elles lui font du bien, on ne peut pas dire.
Merlandon me verse du bourgogne. «Tu n’en buvais pas comme celui-là au camp.» Il rigole, je rigole, elle est bien bonne. «J’en réservais une bouteille pour ton retour, précise l’Oncle en clignant de l’œil. N’est-ce pas Julia ? Je disais tout le temps : il faut en garder une bouteille pour son retour.» On trinque. A la santé du prisonnier. On retrinque. C’est le moment où la Famille, gonflée de dine et de bourgogne, s’étale, se débraille un peu, se sent lourde, assise, massive, éternelle. […]»
Georges Hyvernaud, La peau et les os, 1949, Editions Pocket/Best.
tags:Extrait, Georges Hyvernaud, Littérature, Premières lignes