Poezibao a reçu n° 144, dimanche 3 octobre 2010

Par Florence Trocmé


 
 

Cette rubrique suit l’actualité éditoriale et présente les derniers ouvrages reçus par Poezibao. Il ne s’agit pas de fiches de lecture ou de notes critiques et les présentations font souvent appel aux informations fournies par les éditeurs.  
 
 

°Jorge Luis Borges, La Proximité de la mer, Gallimard
°Serge Pey, Lèpres à un jeune poète, Délit Éditions 
°Lucien Suel, Journal du Blosne, Apogée 
°Revue Europe, Vélimir Khlebnikov 
°La Revue des belles-lettres, 2010, 162 
°Revue Fusées, n° 18 
°René Noël, Bancs de rayons, La Termitière 
°Revue Alsacienne de Littérature, n° 111 
°Revue Villa Europa, n° 1 
°Revue Le Cahier du Refuge, n° 192 
°Trois folios junior poésie (Desnos, Prévert, Claude Roy) 
°André Prone, Cet Univers-là, Aléas 
°Eric Dubois, Entre Gouffre et lumière, L’Harmattan  
 

 
•Jorge Luis Borges 
La Proximité de la mer 
Une anthologie de 99 poèmes 
Édité, préfacé et traduit de l’espagnol (Argentine) par Jacques Ancet 
Gallimard, 2010
20 € 
 
« Malgré une éclipse considérable de trente ans entre son troisième recueil – Cuaderno San Martín (1929) – et son quatrième – L’Auteur (1960) –, durant laquelle il a composé ses proses les plus mémorables, Borges n’a cessé, sinon de publier, du moins d’écrire de la poésie. Peut-être parce que le poème relève pour lui d’une nécessité existentielle. S’il y a recours aux mêmes obsessions et paradoxes qui ont fait la célébrité de ses récits – labyrinthes, tigres et miroirs, jeux sur le temps, l’espace ou l’identité, mais aussi mythologie de faubourgs, de malfrats, de guitare et de couteaux qui est celle de la milonga et du tango, à laquelle il restera attaché toute sa vie –, c’est moins pour nous plonger et nous perdre dans leur fascinant vertige, que pour les interroger ou nous en communiquer mezza voce l’inquiétante familiarité. Dans ses poèmes, Borges médite et chante. Et ce croisement de pensée et d’émotion leur donne ce mélange très particulier de rigueur et d’abandon, d’emphase maîtrisée et de simplicité retorse qui fait leur tonalité singulière. Quelque chose qui hésite, entre le vers bien frappé et la confidence chuchotée, entre l’épique et l’élégiaque, entre le baroque et, nous dit Borges, "non pas la simplicité, qui n’est rien, mais la modeste et secrète complexité." » (Jacques Ancet, dos du livre) 
 
 
•Serge Pey 
Lèpres à un jeune poète 
Principes élémentaires de philosophie directe 
coll. A propos de, Délit Édition, 2010
29 € - sur le site de l’éditeur (avec extrait)  
 
Essai sur le mouvement de la performance et de la poésie d’action.  
Poésie-action, stratégies et tactiques de la guerre de l’art, expérience des limites, engagement politique et philosophique du langage, analyses et commentaires de performances, témoignages sur les ruptures des frontières de l’art, réflexions sur l’improvisation, remises en question des origines de la performance, du statut du corps dans le poème, interrogations sur la modernité… sont les thèmes centraux abordés dans ce carnet de bord.
A la fois essai, traité, recueil, ce livre qui ne sépare pas le poème de la théorie de l’écriture doit se lire comme un atlas des rhizomes poétiques dédiés aux jeunes artistes contemporains du langage.
Rédigées sous forme de poèmes, d’aphorismes, d’articles, de manifestes, ces « lèpres-lettres » sont autant de bombes théoriques et de traverses iconoclastes contre les certitudes des académismes surgis au sein de l’art du marché qui occupe le devant de la scène médiatique contemporaine.
Chaque texte publié dans ce livre est une proposition pour une poésie d’action, un nouveau visage de l’art, un exercice de philosophie appliquée, un chantier d’art provisoire. L’ensemble des poèmes de cet ouvrage a été expérimenté et déployé au cours de performances, de happenings et de mises en scène orales.
Écrit comme un recueil de combat et de méditation, ce livre, au centre des croisements de l’écriture et de la performance, est une contribution capitale à la pensée de la poésie du XXe siècle. (dos du livre) 
 
 
•Lucien Suel 
Journal du Blosne 
Apogée, 2010
12 € 
 
« Mai-juin 2001. Retour au Blosne, voici le poète assigné à (en) résidence / trouée / fragmentée loin des siens, Josiane, Cécile, Arnaud, Marie, Guillaume, Thomas, Nan, Mauricette, Ivar…
Résidence, la première pour nous aussi, découvrir, s’apprendre. Logement chez l’habitant Augustin et Marie arpenter le Blosne, les tours, rues étrange toponymie, Monténégro, Serbie, Prague-Volga, FG4, K18. Lucien, son rire son tee-shirt Goo Sonic Youth sa générosité sa douceur. Immersion Triangle / Le Blosne / (ex)ZUP SUD loin Berguette-Isbergues-Ligny les Aire. Lucien ses chaussures de sécurité, comment il sait (aussi) manier truelle, groet, taloche, râteau et sans résidence, patiemment construit sa maison cultive son jardin.
Lucien il peut comme ça s’emparer béton tours rues… en faire humus du poème. » (Yann Dissez) 
Journal du Blosne a été écrit au cours d’une résidence d’auteur au Triangle, à Rennes.  
Lucien Suel est né en 1948 dans les Flandres artésiennes où il vit toujours. Il a édité la revue The Starscrewer, consacré à la poésie de la Beat Generation, puis La Moue de veau, magazine dada punk. Il anime la station underground d’Émerveillement littéraire et le blog Silo. Il a publié de nombreux ouvrages de poésie ainsi que deux romans : Mort d’un jardinier (La Table ronde, 2008) et La Patience de Mauricette (La Table ronde, 2009). Il est également le traducteur du Livre des esquisses de Jack Kerouac (La Table ronde, 2010). (Dos du livre)  
 
 
•Revue Europe 
octobre 2010, n° 978 
Vélimir Khlebnikov 
18, 50 € 
 
Généralement connue comme figure majeure du Futurisme russe, Vélimir Khlebnikov (1885-1922) peut enjamber avec aisance la clôture des commodes typologies. Éveilleur d’avenir, il fut aussi un aventurier de la « nuit étymologique », comme le nota Mandelstam qui salue en lui un des plus féconds créateurs d’images à l’échelle des siècles. Khlebnikov comparait le langage de l’homme à un sac repli de papillons. Eternel vagabond, aiguillonné par un intarissable désir d’itinérance, ses amis à leur tour le comparaient à un héron cendré ou à quelque échassier pensif, avec son habitude de rester debout sur une jambe ses déambulations silencieuses, ses brusques envols pour de longues migrations vers les espaces insoupçonnés du futur ou les forêts ombreuses de l’archaïque. Mais aussi bien, il pérégrina jusqu’à l’épuisement à travers la Russie, promenant partout les eaux claires de son regard et l’audace d’un esprit intrépide. A Kharkov il fut le témoin des furies de la guerre civile. Avec les troupes de l’Armée rouge, il se rendit jusqu’au nord de l’Iran où il reçut de ses amis persans les surnoms de « derviche russe » et de « prêtre des fleurs ». « Novateur par excellence », selon le mot d’Anna Akhmatova, Khlebnikov était convaincu de la consubstantialité de l’univers et de la parole comme créations rythmiques continues. Il inventa des formes inédites, bouscula les frontières entre art et science et opéra un gigantesque déplacement des valeurs esthétiques. Il voulut établir les lois pures du temps afin de libérer le monde des périls et des guerres en rendant la « destinonavigation » humaine aussi tranquille que sur un fleuve dont on a balisé les écueils. Dans la plénitude du grand songe, il aura saisi l’art dans sa pure fonction exploratrice et comme foyer intégrateur de tous les temps. En compagnie de Khlebnikov qu’il avait fréquenté dans sa jeunesse, Roman Jakobson disait avoir éprouvé « la sensation rare et saisissante d’être soudain en présence d’un ″génie″. Ce numéro d’Europe offre en langue française le plus vaste ensemble d’études et de témoignages jamais dédié à ce jour au grand poète russe.  
Etudes et textes de Jean-Claude Lanne, Roman Jakobson, Arthur Lourié, Angelo Maria Ripellino, Jean-Baptiste Para, Sergueï Birioukov, Iouri Tynianov, Vassili Golovanov, Vladimir Anfimov, Danila Davydov, Geneviève Cloutier, Vladimir Taltine, Yvan Mignot, Marc Weinstein, Michel Niqueux, Jean-Philippe Jaccard.  
 
 
•RBL, Revue des Belles Lettres 
2010, 1-2 
Abonnement annuel, 55 € 
 
Cette revue de poésie on connaît la longue tradition de qualité et l’ouverture, s’habille de neuf et prend un nouveau départ, menée par une rédaction renouvelée, sous la direction de Marion Graf, bien connue pour ses traductions de Robert Walser, notamment. Même si dorénavant, la RBL développe son propre site internet, elle reste une revue sur papier.  Pour l’année 2010, elle propose à ses lecteurs un numéro unique (360 p.), comportant trois dossiers principaux :  
- « Jeunes poètes des cinq continents » : d’Australie au Chili, d’Ukraine au Maroc, sans oublier la France, la Chine, les États-Unis et la Suisse multilingue, voici vingt voix fort diverses qui augurent bien de la vitalité de la poésie aujourd’hui et demain, ici et ailleurs. 
-Hilde Domin (1909 – 2006), grande dame de la poésie allemande de l’après-guerre, est encore inconnue en français. Juive allemande, elle quitte l’Allemagne en 1933 et passera plus de 20 ans en exil, notamment à Saint-Domingue, avant de rentrer en Allemagne ; son œuvre toute de sobriété et de transparence fait d’elle la plus hispanique des écrivains allemands. 
-Paul Celan (1920 – 1970), dont l’œuvre compte parmi les plus révolutionnaires de la poésie moderne, est l’auteur d’une « Élégie valaisanne » dont les deux versions sont traduites ici pour la première fois en français : dans cet ample poème, contemporain du recueil La Rose de personne, le Valais et Rilke sont comme submergés par les réminiscences personnelles et historiques qui hantent le poète.  
A découvrir par ailleurs deux nouvelles rubriques : Traducere, la première, propose le témoignage d’André Markowicz et de Françoise Morvan, qui ont traduit Tchekhov « à quatre mains ». La seconde, intitulée Tracés, accueille une forme de critique littéraire subjective : deux écrivains commentent leur rencontre avec une œuvre (David Collin sur Jacques Roman et Jacques Roman sur Bernard Noël) 
Deux artistes ont prêté leur concours à ce cahier: le sculpteur et graveur Etienne Krähenbühl (Yverdon et Lausanne) et le peintre Colette Brunschwig (Paris). 
 
 
•Revue Fusées 
n° 18
15 € 
 
Avec des dossiers consacrés à Geneviève Morgan (articles de Hubert Lucot, Michel Nuridsany, Guy Brett, Charlotte Beaucillon, Jean-Paul Fargier), à Françoise Janicot (Olivier Cadiot, Bernard Heidsieck, Jean-Jacques Lebel, Frédéric Acquaviva, John Giorno, Esther Ferrer), à Dominique Méens (Ronald Klapka), Yves di Manno (Isabelle Garron, Auxeméry, Philippe Beck, Stéphane Bouquet) et présentation de « travaux en cours » de Daniel Dezeuze et Laura Brunellière.  
 
 
•René Noël 
Bancs de Rayons 
La Termitière, 2010
15 € 
 
René Noël a publié essentiellement des textes critiques : sur Jacques Dupin, Gérard Manley Hopkins, Ossip Mandelstam, Anne-Marie Albiach, notamment dans les revues La Polygraphe, Passage à l’Act, La Termitière, l’Étrangère. Poète, il l’est aussi comme en témoigne ce livre : poèmes en inventions permanentes, traversés de la réflexion qui est sienne sur la littérature, la peinture, traversés par le charnel, dans un souci rimbaldien du réel. Inventions prosodiques, linguistiques, syntaxiques, analogiques, elliptiques qui rendent cette expérience poétique proche de celles des poètes Obérioutes. (Philippe Blanchon, dos du livre)  
 
 
•Revue Alsacienne de Littérature 
n° 111
15 € 
 
Au sommaire de ce numéro sur le thème « Seuils, passages, (dés)-enchantements composé par Paul Schwartz et Anne-Marie Soulier des textes et contributions de Anne-Marie Soulier, Jacques Tornay, Gabrielle Althen, Patrick Werly, Florence Trocmé, Rosamund Stanford, Jean-Christophe Meyer, Emma Guntz, Ingrid Tempel, Isabelle Baladine Howald, Paul Schwartz, Muriel Stuckel, Jean-Claude Walter, Sylvie Reff, Alain Fabre-Catalan, Gaston Jung, André Ughetto, Robert Berold, Sylvie Durbec, Frédéric Soulier (photos).  
 
 
•Revue Villa Europa 
n° 1, 2010
Universaar, Presses Universitaires de la Sarre 
17,5 € 
 
L’Institut d’études françaises de Saarbrücken informe de la naissance de la Revue Villa Europa dont le premier numéro paraît aux Presses de l’Université de la Sarre ce 1er octobre. 
Il est organisé en trois sections : 
-Passages d’Europe : textes des conférences proposées à l’Institut dans le cadre des "Soirées de l’Europe" (Dominique Schnapper, Jacques Dewitte, Yves Hersant, Elodie Lélu, Azouz Begag) 
-Terres d’encre : inédits d’auteurs ayant été invités pour des "lectures" (Jean-Christophe Valtat, Belinda Cannone, Valentine Goby, Theresa Révay, Eric Vigner) 
-Ponts des arts : nouvelles et scènes d’exposition produites par les étudiants de l’Atelier d’écriture de l’Université de la Sarre. 
Voir la couverture de la revue 
Pour toute commande ou tout commentaire contacter : Valérie Deshoulières, dDirectrice de l’Institut français de Saarbrücken Professeur à l’Université de la Sarre 
 
 
•Revue Le Cahier du Refuge 
n° 192 
Centre international de poésie de Marseile (cipM) 
 
Au sommaire un dossier Pierre Alferi, la présentation du festival ActOral, « Import/Export, Bombay/Marseille et Jean-François Bory, Plein Soleil.  
 
 
•Trois livres Folios Junior, Poésie 
Poèmes de Robert Desnos 
Poèmes de Jacques Prévert 
Poèmes de Claude Roy 
5 € chaque livre 
 
Pour les trois recueils, choix et présentation de Camille Weil. 
 
 
•André Prone 
Cet univers-là 
Aléas 
14 €
 
Porté par une immense vague sur laquelle glisse la mémoire amoureuse, l’auteur nous ramène ex abrupto sur des côtes terriblement matérielles. Comme pris dans un perpétuel mouvement de balancier entre rêve et réalité, il se plaît à imaginer des lieux sans aval ni amont où les choses se fondent, se réduisent à des riens innombrables, frayant à des rives effacées, inexorablement rattrapées par la torpeur des jours. Navigant parfois à l’écart de la raison raisonnante, « cet univers-là » nous donne à croire que pourrait bien se trouver dans l’expression poétique une sorte de vie éternelle où la force des apparences se mêle aux minutes crépusculaires d’une existence pleine de vraies candeurs terrestres. Poésie ouverte à la respiration de mille fragments de matière, pesant et heurtant des fantômes continus, enfermée dans l’infini foisonnement d’un monde où l’être s’obstine encore et toujours à l’apprentissage exhaussé d’un futur. André Prone, Docteur en Sciences de la Terre et de l’Environnement, a mené parallèlement à sa fonction d’Expert Géologue et à son engagement syndical un travail d’écriture durant toute sa carrière universitaire. Plus largement ouvert à la poésie, cet auteur n’en recherche pas moins à travers ses récits et essais une compréhension historique des relations humaines. Il a obtenu le Grand Prix National de Poésie Paul Valery en 1992. (site de l’éditeur)  
 
 
•Eric Dubois 
Entre gouffre et lumière 
Préface de Charles Dobzynski 
coll. Accent tonique, poésie, l’Harmattan, 2010
10,50 € 
 
La poésie d'Eric Dubois est un spécimen original d'une modernité qui a pratiquement largué ses amarres. Une modernité qui désormais est un look plutôt qu'un luxe, nantie de ses emblèmes : www, internet et extranet. Délestée de ses images, elle procède à une circumnavigation, au moyen d'une pensée du raccourci, d'une vision soumise au dépolissage. C'est que la poésie n'est plus la capitale des mots, mais sa banlieue. Elle s'exerce au dérèglement raisonné de tous les sens uniques (extrait de la préface de Charles Dobzynski)