Chaque fois que s’élève une critique à propos du comportement de tel ou tel homme politique de la majorité, certains de ses membres répliquent avec des arguments qu’ils considèrent comme définitifs.
Le plus usité est de ce style : « vous ne disiez rien lorsqu’on faisait de même sous Mitterrand !». Peut-être, et alors ? Voilà près de quinze ans que le Président Mitterrand est mort. Il n’est pas possible de remédier aux fautes qui ont pu être commises sous ses mandats et ce présumé coupable se trouve désormais hors de l’atteinte de la justice des hommes. Une expérience plus récente démontre même que point n’est besoin d’être mort pour échapper à une sanction : un ancien Président va sans doute bientôt nous administrer la preuve qu’il suffit pour cela d’être devenu un vieux Monsieur âgé et, paraît-il, en mauvaise santé. En aucun cas, les fautes des uns ne peuvent permettent d’absoudre leurs successeurs lorsque ceux-ci pêchent à leur tour.
Une variante consiste à prétendre que « on a toujours fait comme cela ». C’est assurément la plus mauvaise des excuses, celle qui interdit toute évolution. Il fut un temps où la torture était un moyen considéré comme efficace et tout à fait légitime pour faire éclater la vérité, où l’on exécutait un condamné en le soumettant au supplice de la roue et un autre temps plus récent, à moins de quarante ans de distance de nous, où l’on mettait à mort un condamné en le coupant en deux. Fort heureusement, même si c’est à pas trop lents, l’humanité progresse et des dérives admises ou tolérées cessent un jour de l’être. Même si cela s’est déjà fait, arrive un temps où certaines pratiques n’ont plus lieu d’être et où les dérives doivent être sanctionnées.
Une autre réponse se manifeste ainsi : « un tel a fait pis que moi, et il n’a pas été inquiété. Pourquoi le serais-je ? » Ceci me rappelle un exemple de la vie en société que j’ai connu dans un lycée. Des élèves avaient été surpris en train de graver des inscriptions dans le bois de leurs pupitres. L’administration avait envoyé aux parents des coupables la facture correspondant à la remise en état nécessaire après ces dégradations. Ces nobles citoyens avaient refusé de s’acquitter de leur dette, arguant que leur chère progéniture n’était pas la seule à avoir ainsi endommagé ces pupitres et qu’ils ne comprenaient pas pourquoi ils seraient seuls à payer. Admirable réaction ! Ce genre de raisonnement me conduit à émettre la proposition suivante : étant donné que nos prisons ne renferment que les imbéciles qui se sont fait prendre tandis que d’autres coupables restés en liberté jouissent impunément du produit de leurs crimes, un souci de la justice la plus élémentaire doit nous imposer de libérer au plus tôt tous les détenus et, dans la foulée, de raser nos établissements pénitentiaires.
Notre Président est l’ardent avocat de la tolérance zéro : prenons-le au mot.