André Gorz parle du revenu d'existence

Publié le 03 octobre 2010 par Boprat
 Source : Transversales Sciences et Culture
Un article très intéressant qui reprend bien la pertinence de fond du revenu d'existence.
Extraits
  • "Car seule son inconditionnalité [du revenu] pourra préserver l’inconditionnalité des activités qui n’ont tout leur sens que si elles sont accomplies pour elles-mêmes."
  • "L’allocation universelle est le mieux adaptée à une évolution qui fait « du niveau général des connaissances la force productive principale »[2] et réduit le temps de travail à très peu de chose en regard du temps que demandent la production, la reproduction et la reproduction élargie des capacités et compétences constitutives de la force de travail dans l’économie dite immatérielle. Pour chaque heure, ou semaine, ou année de travail immédiat, combien faut-il de semaines ou d’années, à l’échelle de la société, pour la formation initiale, la formation continue, la formation des formateurs, etc. ? Et encore la formation elle-même est peu de chose en regard des activités et des conditions dont dépend le développement des capacités d’imagination, d’interprétation, d’analyse, de synthèse, de communication qui font partie intégrante de la force de travail postfordiste. Dans l’économie de l’immatériel, « le travailleur est à la fois la force de travail et celui qui la commande ». Elle ne peut plus être détachée de sa personne"
  • "L’allocation universelle d’un revenu inconditionnel correspond le mieux à l’économie qui se dessine. Un volume croissant de richesses est produit avec un volume décroissant de capital et de travail ; la production distribue par conséquent à un nombre décroissant d’actifs un volume décroissant de rémunérations et de salaires ; le pouvoir d’achat d’une proportion croissante de la population diminue, chômage, pauvreté, misère absolue se répandent. La productivité rapidement croissante du travail et du capital entraîne un excédent de force de travail et de capital."
  •  "La distribution des moyens de paiement ne sera plus un salaire, mais ce que Duboin déjà appelait un « revenu social ». Celui-ci ne correspond plus à la « valeur » du travail (c’est à dire aux produits nécessaires à la reproduction de la force de travail dépensée) mais aux besoins, désirs et aspirations que la société se donne les moyens de satisfaire. Elle suppose la création d’une autre monnaie non thésaurisable, que Duboin appelle « monnaie de consommation »."
  • " l’allocation universelle d’un revenu social suffisant équivaut à une mise en commun des richesses socialement produites."
  • "L’allocation à tout citoyen d’un revenu social suffisant ne vise plus à contraindre les allocataires à accepter n’importe quel travail à n’importe quelle condition, mais à les affranchir des contraintes du marché du travail.
    Le revenu social de base doit leur permettre de refuser le travail et les conditions de travail « indignes » ; et il doit se situer dans un environnement social qui permette à chacun d’arbitrer en permanence entre la valeur d’usage de son temps et sa valeur d’échange: c’est-à-dire entre les « utilités » qu’il peut acheter en vendant du temps de travail et celles qu’il peut produire par l’autovalorisation de ce temps. L’allocation universelle d’un revenu suffisant ne doit pas être comprise comme une forme d’assistance, ni même de protection sociale, plaçant les individus dans la dépendance de l’Etat-providence. Elle doit donner aux individus des moyens accrus de se prendre en charge, des pouvoirs accrus sur leur vie et leurs conditions de vie." 
Lire la totalité. (p59)

+ extraits du texte de Jacques Duboin dans la même article (Extraits du livre, Les Yeux ouverts, 1955) :
  • *L’homme possède le droit à la vie, car il le tient des lois de la nature. Il a donc droit à sa part dans les richesses du monde. Grâce à son travail, il pourrait se procurer cette part et ainsi gagner sa vie. Il le pourra désormais de moins en moins, car son travail est progressivement éliminé par un gigantesque appareil de production qui rend tous les jours le labeur humain un peu moins nécessaire. Cependant les progrès techniques qui se succèdent en libérant l’homme de ses occupations matérielles ne doivent pas le priver des biens créés sous prétexte que son travail n’est plus nécessaire. En effet si l’homme est dénué de moyens d’existence, son droit à la vie devient un leurre. Mais si l’homme l'a inventé n'est il pas juste qu’elle travaille pour lui ? (…) La fortune des hommes de notre temps réside dans l’efficience des techniques qui permettent de créer ces richesses. Nous avons donc tous le droit de profiter des découvertes de nos devanciers : d’où ce deuxième principe :
    * L’homme est l’héritier d’un immense patrimoine culturel qu’il trouve aujourd’hui en naissant, car l’équipement agricole et industriel n’est qu’une œuvre collective poursuivie pendant des siècles par une foule innombrable de chercheurs et de travailleurs, tacitement associés pour l’amélioration continuelle de la condition humaine. Cependant, si l’homme est l’héritier de ce prodigieux patrimoine, il n’est que l’usufruitier des richesses qu’il permet de créer. Sous quelle forme pourrait-il en percevoir sa part ? Ecartons la fameuse prise au tas, qui se concilie mal avec l’ordre qui doit régner dans une économie rationnelle (…). Dans le monde moderne la part d’usufruit ne se conçoit que sous la forme de pouvoir d’achat, donc de monnaie, puisqu’elle ne constitue plus qu’un titre de créance. Il faut que tout le monde possède de l’argent pour vivre, comme tout le monde a de l’air pour respirer. D’où ce troisième principe :
    *Les droits politiques ne suffisent plus à assurer la liberté des hommes, car, pour vivre, il faut avoir de quoi vivre. Les droits du citoyen doivent se compléter des droits économiques du consommateur, concrétisés par un « revenu social » auquel il aura droit du berceau au tombeau.