Simone Signoret, pseudonyme de Simone Kaminker, choisi en l'honneur de Gabriel Signoret interprète fin et distingué du cinéma muet, naquit à Wiesbaden en Allemagne le 25 mars 1921 et vécut ensuite à Neuilly-sur-Seine. Pour ne pas mourir de faim, dans la France occupée de sa jeunesse, elle alterne les petits boulots une fois son baccalauréat en poche : sténo-dactylo, professeur d'anglais et ... figurante. C'est ainsi qu'elle débute sous la direction de Jean Boyer dans Le Boléro ( 1941 ) et Le Prince charmant ( 1942 ). La rencontre décisive, qui orientera le reste de sa vie, se produisit en 1943, lorsque sa route croise celle d'Yves Allégret. Il lui offre son premier grand rôle dans Les Démons de l'aube ( 1945 ). Elle l'épouse l'année suivante et lui donne une fille : Catherine. Sous la direction de son mari, Simone enchaîne les rôles : Dédée d'Anvers (1947), Manèges (1949), mais elle devra attendre 1951 pour entrer définitivement dans l'histoire du 7e Art, grâce à son interprétation lumineuse, au côté de Serge Reggiani, dans Casque d'or, le film-culte de Jacques Becker, histoire d'une prostituée foudroyée par un amour impossible. Le film, jugé à sa sortie comme un mélo passionnel et boudé par les critiques, sera réhabilité et assurera par la suite sa renommée.
Signoret n'a tourné qu'une cinquantaine de films, ce qui n'est pas énorme pour une personnalité tellement médiatisée et considérée comme la plus grande actrice de sa génération, mais elle eut l'intelligence de ne choisir que les meilleurs cinéastes et de n'accepter que les personnages qui correspondaient à sa nature, si bien qu'elle bénéficie, de par cette exigence, d'une filmographie d'une rare qualité. On pourrait presque dire qu'elle n'a tourné que des chefs d'oeuvre. Parmi ses succès : Thérèse Raquin de Carné, La Mort en ce jardin de Bunuel, Les Diaboliques de Clouzot. Elle qui écrivait : " Un acteur a besoin d'être inventé par les autres " - connut une courte période d'instabilité autour des années 55, la profession lui reprochant son soutien trop affiché au Parti communiste. Mais sa carrière reprend avec Les chemins de la Haute Ville (1959), où elle est si étonnante qu'elle est couronnée par un Oscar à Hollywood, en même temps qu'un César à Cannes. Elle tournera également deux films avec René Clément Le Jour et l'heure (1962) et Paris brûle-t-il ? ( 1965), puis deux avec le controversé Costa -Gavras : Compartiment tueurs et L'aveu auprès d'Yves Montand, qu'elle avait épousé en 1951. Ils formèrent un couple profondément uni, non seulement par l'amour qu'ils se portaient, mais par l'admiration réciproque qu'ils se vouaient l'un à l'autre et qui fut un véritable ciment. A ce propos, Simone écrivit : "Le secret du bonheur en amour, ce n'est pas d'être aveugle, mais de savoir fermer les yeux quand il faut".
Elle sera très émouvante aussi dans L'Armée des Ombres de Melville ( 1969 ) en résistante prête à tous les sacrifices. Dans les années 70, ses apparitions se feront plus rares. Curieusement, ce qu'elle avait perdu en beauté, elle sut le reconvertir en force. On la verra auprès de Jean Gabin dans Le Chat ( 1971 ), inébranlable dans cet incroyable huit-clos de deux monstres sacrés, ensuite dans La Veuve Couderc au côté d'Alain Delon qu'elle parvint à impressionner, deux films à succès de Pierre Granier-Deferre, enfin dans La Vie devant soi de Moshe Mizrahi ( 1977) qui lui vaudra un second César à Cannes. Minée par un cancer du pancréas, elle s'éteint le 30 novembre 1985. Elle avait 64 ans. A l'annonce de sa disparition, le public unanime saluera l'une de ses très grandes comédiennes, une femme inclassable qui avait osé faire de son vieillissement un atout, ce qui ne pouvait étonner de la part d'une battante, d'une conquérante. Contrairement à Marilyn Monroe, à Greta Garbo, elle assuma ses rides avec témérité. Plutôt que de casser le miroir, elle le défia, et prouva ainsi que l'âge enseigne non seulement la sagesse, mais procure, à ceux qui l'assument sans faiblir, un supplément de talent et de crédibilité. A sa carrière artistique s'ajoute une carrière littéraire. Simone Signoret écrivit deux ouvrages de mémoire : La nostalgie n'est plus ce qu'elle était et Le lendemain, elle était souriante. Par la suite, elle publia un roman : Adieu Volodia. On sait également l'importance qu'eurent toujours pour elle ses engagements politiques, qu'elle partageait avec Montand. Elle affronta l'opinion avec courage et fut vaillante devant l'adversité, cabocharde quand il lui arriva de se tromper. Aucune actrice, peut-être, ne m'a autant émue, à l'exception de Giulietta Masina. Son regard était étonnant ; on y lisait, à la fois, de la modestie et de la fierté, de la féminité et de la force, de la tendresse et de la provocation. Ce regard-là était unique. De même que sa voix sourde, un peu voilée, comme si, en elle, s'était produit une brisure. Pour moi, comme pour vous sans doute - et malgré les rôles magnifiques qu'elle interpréta par la suite, elle reste, par delà le temps, l'inoubliable casque d'or et une femme qui incarna les combats et les risques de son époque.
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Yves Allégret Jacques Becker
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