Matthieu Ricard n'a surement pas besoin de moi pour lui faire de la publicité et son dernier livre sera probablement encore un best seller.
Ce livre est une introduction générale au bouddhisme tibétain et on y trouve beaucoup de textes sur les pratiques préliminaires, mais on peut y lire aussi certains textes très clairs et très directs sur l'éveil et la vue ultime, comme celui-ci.
RANGRIK RÉPA KUNGA LODRO (1619-1683)
"Lorsque j'arrivai au lieu sacré de la Reine des Montagnes enneigées (Le mont Kailash), j'eus une expérience décisive de la conscience éveillée, claire comme un ciel sans nuages, profondément lumineuse, vaste et sereine, transcendant toute notion d'asservissement et de libération, transparente, sans extérieur ni intérieur, dans laquelle les phénomènes ne cessaient en rien de se manifester. Mais tout ce qui apparaissait, tout ce qui se manifestait, tous les mouvements de pensées étaient, dans la conscience directe que j'en avais, limpidement clairs et transcendaient toute limite. Plus les phénomènes surgissaient ainsi sans obstruction, plus l'expérience devenait claire. Je comprenais que tout ce qui se manifestait n'était rien d'autre que la luminosité spontanée. Quant à l'incessant mouvement sous-jacent des pensées, je le perçus comme la présence ininterrompue de la conscience éveillée. Une conviction surgie du plus profond de moi-même et différente de tout ce que j'avais compris jusqu'alors se fit jour. Les termes mêmes de pensées grossières ou subtiles, de bon et de mauvais, ne s'appliquaient plus. Tout ce qui se manifestait, tout ce que je percevais ne pouvait plus me faire ni bien ni mal, et ne suscitait plus ni espoir ni crainte.
Il n'y avait plus de différence entre manifestation et non-manifestation, mais mon esprit restait parfaitement clair, même devant la multiplicité des phénomènes et des pensées. Même sautant ou courant, même si ma bouche et mes yeux étaient distraits, je gardais l'esprit vaste et détendu. Tous les discours sur ce qui est ou n'est pas, sur le fait d'être ou ne pas être en méditation, s'étaient effondrés. Continuellement présente était la conscience éveillée, ineffable, surgie d'elle-même, dans laquelle s'abîme toute activité.
Sans qu'il fût nécessaire de distinguer entre périodes de méditation et de non-méditation, j'éprouvais une certitude surgie des profondeurs de mon esprit."