- Famakan, cet œuf est-il de toi ou d’une pintade ?
- C’est un œuf de pintade.
- Mais alors, Famakan, pourquoi l’as-tu pris ?
- Papa lieutenant…
- Ah !…
Les mains ligotées, la tête couverte de jaune d’œuf, tiré par le lieutenant Siriman Keita, Famakan ne comprenait rien à ce qui lui arrivait.
Le lieutenant vociférait :
- Les Blancs !… tout ça c’est la faute aux Blancs ! Autrefois, un enfant de sept ans allait déjà au champ. Aujourd’hui, on veut leur donner de l’instruction. Et quelle instruction ! Le lundi ils se reposent des fatigues du dimanche ; le mardi ils travaillent un peu ; le mercredi ils préparent la sortie du jeudi. Et le vendredi ils commencent à rêver au dimanche. Et à peine savent-ils écrire leur nom qu’ils parlent d’indépendance.
L’indépendance ? C’est-à-dire plus de retraite pour le lieutenant. Plus de retraite pour tous ceux qui ont démontré, de l’autre côté de la mer, le courage de notre race. C’est de la jalousie ! de l’égoïsme ! […]»
Massa Makan Diabaté, Le Lieutenant de Kouta, 1978, Editions Hatier International/Monde Noir Poche.
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