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Ce matin là , comme à son habitude, il s'était levé de bonne heure. Il n'était pas à un paradoxe près, travaillant la nuit, un peu comme un phare, une balise, une luciole à l'échelle planétaire... enfin, c'est ce qu'il voulait s'imaginer de son rôle dans un cadre professionnel comme passeur entre deux rivages - l'aurore à poings fermés et une aube fraichement habillée.Il veillait sur des songes, des peurs, des colères, des larmes , des cris... enfin, tout ce qui pouvait bien remonter à la surface et s'échouer sur le rivage quand le corps lâchait prise , quand la conscience tapie de l'autre côté du miroir dépliait ses ailes ou quand l'angoisse submergeait de petits êtres fragiles en - quoi devenir?- qui voulaient "jouer" au grand en se frottant de trop près aux murs ou en marchant sur leur ombre, comme éblouis par la lumière, énervés de fatigue à tourner autour d'eux même et seuls, tellement seuls parfois avec leur détresse. qui leur brûlait les yeux.
Le monde de la nuit était plus qu'un reflet de celui du jour, il était son double exacerbé, sa caricature même. Pour le comprendre, il fallait en partager ses convictions, celles qui n'auraient de sens que l'espace de quelques tours de cadran, puisque la fois suivante tout serait différent, tout serait à refaire, tout serait effacé...
Ce matin là, il s'était levé de bonne heure...Dans le théâtre des existences croisées, il appartenait à la confrérie du petit jour, alors qu'il exerçait sa "mission" sous les étoiles , enfin, quand elles voulaient bien l'accompagner. On n'est/nait pas à une contradiction près...et puis ce boulot, comme tous les autres d'ailleurs de son aventure personnelle, était arrivé un peu par hasard, circonstances, rencontres...Il n'avait jamais eu de plan de carrière, ni sur la comète... et s'il regardait souvent le ciel c'était plus pour s'y perdre que pour en faire un exercice de probabilités. Il s'était simplement dit comme toutes les autres fois: " Tiens, c'est ptêt pour moi ça..".et comme d'habitude... il s'agissait d'un boulot particulier, différent," ah moi je pourrais pas faire ça" enfin c'est ce qu'on lui renvoyait en général , mais n'étaient-ils pas tous particuliers, les boulots, et d'ailleurs... le simple fait de bosser c'était pas aussi bizarre quelque part?
Ce matin là il s'était levé de bonne heure, il avait allumé la radio en sourdine, préparé un thé... et alors que sa machine interne commençait à doucement ronronner, il s'était souvenu de cette phrase reçue la veille par les canaux modernes de la communication : " quand on a des convictions, c'est qu'on a besoin de vieillir" et soudain, il se sentit bien vieux...