The Hentchmen, La Boule Noire, Paris, 16 septembre 2010
Si Jack White ne porte plus vraiment dans son coeur ses anciennes amitiés de Détroit noyées par la rancoeur et la jalousie, ce n’est pas une raison pour snober The Hentchmen, trio garage brûlant ayant survécu aux années quatre-vingt-dix. Et pendant que leur ex-coéquipier multiplie les tours du monde avec Alison Mosshart, ils doivent se contenter de salles minuscules et de fans pas franchement hystériques, mais ils y mettent le feu avec une conviction un peu plus authentique.
Douze ans qu’ils n’ont pas joué à Paris, et malgré cela ça ne se bouscule pas au portillon de la Boule Noire. Le public déjà clairsemé s’éparpille de plus en plus au fur et à mesure du déroulement de la première partie dont nous tairons le nom par respect pour la musique - l’ambiance “répèt’ devant des copains”, ça passe à seize ans (et encore), mais à quarante c’est franchement ridicule. Fuite vers le bar le temps que la blague, ouf, se termine.
La soirée s’annonçait donc plutôt mal, mais les Hentchmen n’auront eu besoin que d’un quart de seconde pour renverser la situation. L’hyperactif Tim Purrier, pas avare de solos de guitare renversants, occupe la scène avec moult acrobaties - il est si rapide qu’on a du mal à le suivre : saut à gauche, pirouette à droite, escalade des retours au centre, postures de guitar hero au fond, le gringalet blond à lunettes semble monté sur ressort. A sa gauche, John Szymanski s’échine sur ses claviers, la main gauche assurant la basse et la droite la mélodie, comme un Ray Manzarek en plus cool. Au fond, entre deux impressionnantes bulles de chewing-gum, Mike Latulippe martèle ses fûts sans discontinuer. Pas de pause, pas de bavardage : les Hentchmen enchaînent les morceaux avec un professionnalisme épatant. Sous leurs airs d’éternels adolescents débraillés, les trois Américains touchent habilement leur bille, et soudain c’est comme si la musique des trente dernières décennies n’avait jamais existé. Mais qu’est-ce qu’ils font sinon du rock’n'roll ?