Le Code Napoléon n'avait pas anticipé le phénomène Facebook. Pour autant, les réseaux sociaux ne peuvent pas ignorer le droit. Les conséquences juridiques de leur utilisation sont considérables, en particulier dans les entreprises. Celles-ci peuvent se retrouver victimes de dénigrements aussi bien que responsables de propos malveillants. Elles doivent donc prêter attention à l'utilisation faite par les salariés à partir de leurs connexions professionnelles. Mais jusqu'où peuventelles aller dans leurs investigations ? Me Christiane Féral-Schuhl (1) indique les règles de bonne conduite en la matière.
1 Le dénigrement : une menace sérieuse
Une conversation se lance sur un réseau social entre anciens élèves d'une grande école à propos de la sortie d'un nouveau produit par une société industrielle. Les échanges se font de plus en plus acerbes. A la fin, l'innovation en sort laminée, ridiculisée… Pour l'entreprise, le préjudice est réel. Peut-elle poursuivre les auteurs des diffamations ? En tout cas, elle peut se retourner contre leurs employeurs. Comme l'explique Me Féral-Schuhl, « si une information préjudiciable a été diffusée sur un réseau social, par un salarié, au moyen de sa connexion professionnelle, son employeur peut être mis en cause ».
L'inusable article 1384 du Code civil trouve ici à reprendre du service. Ce texte plus que centenaire prévoit la responsabilité des personnes, en l'occurrence ici les dirigeants d'entreprise, « en leur qualité de commettants ». C'est exactement le cas dès lors qu'un ordinateur d'entreprise a servi à propager des propos préjudiciables. La loi Hadopi ne dit pas autre chose quand elle prévoit que l'entreprise peut être déclarée responsable, du moment que ses connexions professionnelles ont servi à télécharger des contenus illicites.
2 Une tentation forte : l'interdiction
Devant tant de menaces, de nombreux employeurs songent à prohiber l'usage des réseaux sociaux. Ils en ont les moyens techniques, ils en ont aussi le droit. A condition cependant que deux principes soient respectés : la transparence et la proportionnalité. Concrètement, les salariés doivent être informés préalablement des moyens de contrôle mis en oeuvre. Pas question que quelqu'un découvre a posteriori que sa messagerie a été surveillée. Ensuite, la proportionnalité réclame un bon dosage. Le salarié qui donne rendez-vous à ses amis pour un dîner en ville ne sera pas sanctionné. Mais pour celui qui divulgue des informations stratégiques ou confidentielles, alors, il peut y avoir faute justifiant son licenciement. Ce serait le cas par exemple d'un inconscient qui, sur un réseau social, indique qu'il annule son dîner parce qu'il est « retenu par une réunion concernant le rachat du principal concurrent qui risque de se terminer à pas d'heure ».
Cependant, comme le précise Me Féral-Schuhl, « la collecte de la preuve doit avoir été loyale ». Encore que tout dépende de la nature des propos contestés. Au pénal, la preuve est libre et il appartiendra au juge d'apprécier sa pertinence. Au civil, le magistrat doit vérifier que les règles de transparence et de proportionnalité ont bien été respectées. Mais, désormais, les tribunaux tiennent de plus en plus compte du devoir de loyauté des salariés vis-à-vis de leur employeur. La Cour de cassation, dans un arrêt du 12 mars dernier, a considéré que la vérification des informations émises à partir d'un ordinateur d'entreprise n'était pas contraire au respect de la vie privée. Elle a ainsi confirmé la décision de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, le 13 avril 2008, qui avait jugé qu'un salarié qui, sur un réseau social, « sous des pseudonymes féminins, a entretenu pendant plus d'un an avec un de ses subordonnés une correspondance soutenue, avec son ordinateur professionnel et pendant son temps de travail », avait commis une faute grave justifiant la rupture immédiate de son contrat de travail.
3 La meilleure attitude : l'incitation
Plutôt que de subir les événements et de voir leur communication leur échapper, les entreprises seront bien inspirées à l'avenir de créer un réseau social interne. Elles gagneront en sécurité, tout en se dotant d'un outil de dialogue aux retombées les plus inattendues. Grâce à ce lien par exemple, dans un laboratoire pharmaceutique, les projets de recherche et développement ne sont plus laissés en déshérence lorsqu'un collaborateur quitte l'entreprise. L'acquis de ses travaux peut être enrichi par les contributions de salariés disséminés sur la planète. Et là, au moins, tout est légal.
deux écueils à éviter Les entreprises peuvent être à la fois :
victimes, du fait d'une atteinte à leur réputation, d'une perte de contrôle de leur image, d'un risque de fuites de données confidentielles… ;
responsables du fait de leurs employés : téléchargement illégal, préjudice causé à des tiers…
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