Hélène, Pierre et Paul ont vécu il y a des années une histoire d'amour à trois, en partie concrétisée par l'achat en commun d'une maison que Pierre habite encore. Aujourd'hui, ayant refait leur vie, il s'y retrouvent, avec conjoints et enfants, car Hélène a besoin d'argent et souhaite vendre.
De ces retrouvailles il ressortira que les anciens amants n'ont pas fait le deuil de leur histoire de la même manière. L'ont-ils fait, d'ailleurs ? Elle est en effet toujours très présente dans la vie des trois amis, qu'ils soient mariés, avec enfants, ou célibataire comme Pierre. Et ce passé, dont il est bien difficile de faire table rase, semble avoir une incidence certaine sur le présent.
A travers une écriture poétique, forte, à la fois sombre mais souvent drôle, parfois violente, ce huis-clos provoqué par le personnage d"Hélène, davantage portée par un besoin vital de parler que par un réel besoin d'argent, pousse chacun à faire fi des non-dits, des silences, et exprimer enfin, ou du moins tenter d'exprimer, ce qui est enfoui au fond de lui. Peut-être pas sans y laisser quelques plumes...
Les textes de Jean-Luc Lagarce sont fréquemment repris par des troupes de théâtre amateur. Il n'y a pourtant rien de plus difficile à jouer si l'on veut faire entendre ce qu'il y a à entendre. Répétitifs, décousus, épurés, basés sur des silences, tout sauf naturels, il faut bien l'avouer, ils sont régulièrement massacrés.
Ici, les six comédiens (professionnels) parfaitement dirigés par Julie Deliquet vont chercher au plus profond de quoi nourrir leur personnage, atteignant une sincérité, une justesse, presque bouleversantes, et savent trouver la petite musique qui nous plonge dans cet univers si particulier qu'est celui de Lagarce. Nous saluerons plus spécifiquement les prestations de Julie André, Agnès Ramy et Olivier Faliez.
On émettra deux petites réserves à propos de ce spectacle réussi. D'abord une scénographie relativement absente et sans grand intérêt (la faute, en partie, au manque de moyens évident des théâtres d'arrondissements), constituée d'une bâche de travaux recouvrant la scène et d'un papier peint projeté sur écran que l'on peine à deviner tant il disparaît derrière la puissance des éclairages. A la limite, on aimerait mieux rien... Enfin l'abondance de cigarettes fumées sur le plateau par les comédiens qui finit par franchement gêner le spectateur, ancien fumeur, que je suis. J'imagine ce qu'il doit en être pour les non fumeurs...
En conclusion, du Lagarce comme on aimerait en voir plus souvent. C'est au Théâtre Mouffetard qui démarre bien sa saison.
Allez-y !
Photo : Mathilde Morières