Son format court permettait en effet aux écrivains de placer ainsi dans la presse, qui les payait grassement pour ça, des textes finis. C’est alors que se sont formés les deux sous-genres, fantastique et naturaliste, à quoi devait se rajouter quelques années plus tard la nouvelle policière.
Les novélistes de notre époque - pas tous, évidemment - ont en général gardé du modèle canonique cette manière de viser à l’effet: un seul événement important advient, tout est concentré sur lui, ou, pire, sur une chute finale. Le texte est tourné vers cette unique démonstration, le reste devant y concourir.
Du coup, je lis assez peu de nouvelles. Mes goûts ne m’y portent pas. Mais enfin, j’en ai reçu deux recueils, et la moindre des choses était d’y jeter un coup d’oeil.
Dans l’un, c’est l’âge qui empêche le narrateur de séduire la jeune étudiante en médecine blonde, et ce qu’il fantasme ne se produit pas. Dans un autre, une femme couple ses chiens à ses amants, jusqu’à ce que, le temps ayant passé, elle se retrouve seule avec un carlin. Là un homme mûr rencontre vingt ans plus tard la jeune étudiante dont il était fou jadis. Ici, un grand-père radote sur le moment où il a joué un client de prostituée dans un film, lorsqu’il était figurant. Ailleurs, un homme mûrissant suit un beau voyou dans une exposition de Daumier... Un répertoire ordonné de frustrations, de regrets et de nostalgie, écrits avec une plume fine.
Sylvie Blondel est plus sobre dans sa dédicace. Sur l’ensemble de la page blanche, il n’y a que son nom et l’initiale de son prénom. « S. Blondel ». Ni date, ni « cordialement », ni ces « à », ou ces « pour » que suit le nom du dédicataire, aucune de ces petites formules bien senties que les auteurs se piquent d’adresser aux critiques. On ne fait pas plus sobre. Dans la dédicace seulement: le reste est plus foisonnant.
Le Fil de soie, parle de rencontres. Une Argentine fille de général a été torturée par les militaires, s’exile, tente de se suicider des années après, retourne au pays, et revit
Sylvie Blondel est tentée par le roman, on le sent. Elle raconte des destinées plutôt que des épisodes, et s’intéresse aux moments charnières de l’existence. Il y a des promesses dans ses textes, et la possibilité d’affermir une technique littéraire qui, à mon avis, se cherche parfois un peu.
Vincent Philippe, Ne dure qu’un instant, L’Aire
Sylvie Blondel, Le Fil de soie, L’Aire
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