La curiosité est un vilain défaut dit le proverbe. Et pourtant… A une époque où les éléphants n’avaient de trompe, juste un tout petit nez courtaud, vivait un enfant d’éléphant qui ne pouvait s’empêcher de poser des questions. A sa grande tante l’autruche, à son gros oncle l’hippopotame, à sa maigre tante la girafe où encore à son oncle poilu le babouin. "Il posait des questions à propos de tout ce qu’il voyait, entendait, éprouvait, sentait, touchait…" Et en réponse, tous ses oncles et tantes le cognaient. Las de subir un tel traitement, l’enfant d’éléphant décida un jour de partir pour trouver la réponse à une question essentielle à ses yeux : savoir ce que le crocodile mange pour diner. Après un long voyage et une rencontre mouvementée avec le saurien sur les rives du grand fleuve Limporo, l’enfant d’éléphant va voir son physique se transformer à tout jamais et va surtout gagner l’estime de tous ceux qui auparavant s’amusaient à châtier son insatiable curiosité.
Tirée du célèbre recueil Histoires comme ça de Rudyard Kipling, L’enfant d’éléphant constitue à l’évidence une parfaite entrée en matière pour les bambins qui découvrent la bande dessinée. Concernant le texte, l’adaptation de Yann Dégruel est parfaitement fidèle aux traductions que l’on trouve en livre de poche (notamment chez Gallimard dans la collection Folio Cadet). C’est au niveau graphique que le dessinateur impose sa patte. Loin du classique album de littérature de jeunesse, il propose une véritable BD avec bulles, cases et découpage contenant tous les types de plan possibles (du plan large au très gros plan). Il utilise une technique très particulière en faisant des crayonnés à la craie grasse qu’il scanne et retouche avec un logiciel pour un rendu assez unique. Son trait est à la fois plein de douceur (son petit éléphant est mignon à croquer) et de dynamisme. L’influence de son expérience en studio d’animation se fait d’ailleurs parfois fortement ressentir. Le seul petit bémol concerne peut-être le lettrage et l’encrage des bulles et des récitatifs. Trop épais et trop gros, ces derniers deviennent par endroit intrusifs et gâchent quelque peu l’harmonie des cases.
Mais soyons honnête, l’impression générale reste plus que positive. Sans compter que l’éditeur à soigné la finition de l’album (cartonnage épais et format carré idéal pour les petites mains) pour en faire un très joli objet à ranger dans les bibliothèques de nos garnements.
Faire découvrir l’œuvre de Rudyard Kipling aux plus jeunes par le biais de la bande dessinée. Voila une ambition légitime et parfaitement accomplie avec cet ouvrage qui fera à n’en pas douter bien des heureux.
L’enfant d’éléphant, de Yann Dégruel, éditions Delcourt, 2010. 46 pages. 10,50 euros. A partir de 6 ans.
L’info en plus : Yann Dégruel va adapter dans le même format Le chat qui s’en va tout seul une seconde histoire du recueil de Rudyard Kipling. Rendez-vous en 2011 !
BD lue dans le cadre du challenge Pal Sèche proposé par Le bar à BD.