Certains comme Etienne Pinte ont d’ores et déjà indiqué qu’ils ne voteraient pas le texte d’Eric Besson sur l’immigration, d’autres ont affiché leurs réserves et réticences. Beaucoup commencent à s’interroger : n’ont-ils pas intérêt, s’ils veulent être réélus à marquer leur différence?
Les députés de droite ont, en France, une longue tradition de docilité. Ne parlait-on pas autrefois de godillots? Du temps de De Gaulle, cette docilité reposait sur un mélange de révérence pour une personnalité exceptionnelle et de sens bien compris de son intérêt (De Gaulle garantissait des victoires électorales et mettait du fait de son histoire et de sa stature à l’abri de toute critique ceux qui ne s’étaient pas comportés impeccablement pendant la guerre). Les choses ont été plus compliquées pour Jacques Chirac puisqu’il a du faire face à plusieurs tentatives de le bousculer (Balladur, Pasqua), mais les liens d’amitié et de sympathie qu’il avait tissés avec beaucoup de députés (mais aussi avec l’opinion) l’ont aidé dans les moments les plus délicats.
La situation est pour Nicolas Sarkozy plus délicate :
- on ne sent pas chez les élus de droite la révérence ou l’amitié à son égard qui ont si longtemps protégé De Gaulle et Chirac. Il a des réseaux puissants et riches au sein de la droite mais ils sont, pour l’essentiel, cantonnés à l’Ile de France,
- le quinquennat amène les députés qui souhaitent poursuivre leur carrière à s’interroger sur leurs fidélités. Qui sera demain, ou après-demain le mieux à même de les aider à être élus? Lui ou un autre?
- en neutralisant les ministres sa pratique du pouvoir a modifié la perception que beaucoup peuvent avoir d’une carrière : que vaut-il mieux? devenir ministre? ou conquérir des places dans son département ou sa région? Après tout les socialistes s’accommodent parfaitement de défaires nationales qui ne leur interdisent pas d’exercer le pouvoir localement,
- l’idéologie pourrait être un ciment. Ce n’est pas le cas. La dérive droitière de ces derniers mois, la préférence pour le bouclier fiscal et les plus riches ont fait réapparaître des clivages au sein de la droite qui s’étaient plutôt réduits,
- malgré son activisme, sa gestion des hommes, son refus de se séparer de ministres qui ont failli (Woerth) ou ont ouvertement contesté ses décisions (Rama Yade…) ont pu donner à certains le sentiment que l’on pouvait prendre son autonomie sans grands risques.
Si l’on ajoute à celà qu’il a laissé Jean-François Coppé saper systématiquement l’autorité de Xavier Bertrand qu’il a mis à la tête de l’UMP, on voit qu’il n’est pas à l’abri de surprises venues du sein même de sa majorité. Cela ne se fera sans doute pas d'un coup, mais cela devrait aider à la multiplication de fissures… qui seront autant d'incitations à le contester un peu plus surtout si les sondages confirment que son virage à droite aura été une erreur politique majeure.
La seule chose qui le protège est l'absence (pour l'instant) d'adversaire de taille à le contester dans son propre camp. Juppé et Villepin évoquent à droite trop de mauvais souvenirs. Une personnalité centriste? ils sont trop nombreux pour ne pas se faire mutuellement du tort. Fillon peut-être, s'il s'en sépare? Mais s'en séparera-t-il?