Rencontre avec Lyonel Trouillot

Lyonel Trouillot, écrivain haïtien, était à la Médiathèque d’Alfortville (94), le 23 septembre, dans le cadre de rencontres organisées par le Festival America. Notés (et filtrés) par ma mémoire, voici quelques uns de ses propos.

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Le pire s’est ajouté au pire. Le séisme a été un effondrement qui a touché une société effondrée. Il y a peu de temps encore, moi, qui suis né à Port-au-Prince, j’étais déclaré citoyen haïtien, tandis que quelqu’un qui était né à la campagne était déclaré paysan haïtien. Le plus grand bidonville de Port-au-Prince, la Cité Soleil, regroupe 400 000 habitants, presque autant que la population de la Martinique. Quelqu’un a dit : Il y a 99 pays en Haïti…

Il y a en Haïti un bilinguisme, créole et français. Ces deux langues, je peux les utiliser sans problème, mais elles ne se rencontrent pas. Il y a encore des gens qui parlent français entre eux quand s’approchent les domestiques. Pour ma part, si l’histoire me vient en français, je l’écris en français ; si elle me vient en créole, je l’écris en créole.

A l’époque de Duvalier, certains médias prétendaient que les écrivains haïtiens étaient hors d’Haïti ; Frankétienne, qui avait décidé de ne pas quitter son pays, était quasiment inconnu tandis qu’on citait certains écrivains moins importants, sous prétexte qu’ils étaient exilés.

La littérature d’Haïti s’est développée dans l’isolement, tandis que la littérature des Antilles françaises s’est développée en relation avec Paris, c’est la conséquence de l’histoire : en 1804, Haïti est le premier pays au monde à se libérer de l’esclavage, l’isolement en a été le prix. La révolution d’Haïti n’a pas été bavarde comme la révolution française. Ce sont les poètes qui ont fait circuler la parole dans le pays. La poésie touche toutes les catégories sociales, pas le roman. En Haïti, je suis poète et personne ne me dit romancier.

Quand je suis en France, je ne viens pas parler de mes livres ; mes livres, vous pouvez les lire. Je viens parler de mon pays.