Un shadow cabinet à la présidence, l’appareil du FPI, la famille et les amis constituent en gros le système Gbagbo. Le chef de l’État dispose d’une équipe fournie mais éclatée.
Pour décrypter le fonctionnement de l’impressionnant « dispositif Gbagbo », mieux vaut connaître la théorie des systèmes complexes. Contrairement au scrutin d’octobre 2000 où le candidat était porté par le Front populaire ivoirien (FPI), c’est une multitude de structures et d’individus, en pleine interaction, qui agissent aujourd’hui. Derrière l’homme, il y a d’abord deux femmes.
Simone Gbagbo, l'épouse du président, est une compagne de lutte de la première heure et vice-présidente du FPI.
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L’épouse Simone, compagne de lutte de la première heure, fait figure de gardienne du temple. Elle dispose de son propre cabinet d’une cinquantaine de conseillers à la résidence officielle, à Cocody. La vice-présidente du FPI tente de fédérer la pléthore de comités de soutien au sein d’un Congrès national de la résistance pour la démocratie (CNRD). Elle mise également sur les relais d’opinion (religieux, chefs traditionnels, associations de jeunes ou de femmes) dans le sud du pays, notamment dans son fief d’Abobo, à Abidjan, où elle est députée.
Stéphane Fouks, le communicant est conseiller en stratégie, patron d'Euro RSCG.
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Épousée selon la tradition malinkée en 2001, Nadiana Bamba, alias Nady, est montée en puissance. La « seconde dame » possède une entreprise de communication, Cyclone, qui édite les publications pro-Gbagbo Le Temps, Le Temps Hebdo et Prestige Magazine. Elle coordonne aussi une partie de la com’ du candidat avec Stéphane Fouks et Marcel Gross, les communicants d’Euro RSCG. Et active ses réseaux au Nord et à l’Ouest pour débaucher des personnalités de la communauté musulmane. Elle finance des pèlerinages, parraine la création d’associations…
200 conseillers au palais
Ambassadeur auprès des Nations unies, Alcide Djédjé est l'homme des missions sensibles.
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À la présidence, Gbagbo peut s’appuyer sur une poignée de très fidèles conseillers parmi les 200 en poste, une sorte de shadow cabinet. Alcide Djédjé, ambassadeur auprès des Nations unies, est le grand conseiller diplomatique. C’est l’homme des missions sensibles auprès de la communauté internationale. Il rend régulièrement visite au facilitateur, Blaise Compaoré, seul ou en compagnie de Désiré Tagro, le ministre de l’Intérieur, grand négociateur de l’accord politique de Ouagadougou.
Désiré Tagro, ministre de l'Intérieur, est le conseiller qui a négocié l'Accord politique de Ouagadougou.
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La discrète Géraldine Odéhouri Brou, responsable de la cellule juridique, suit le processus électoral et intervient sur la réforme de la filière cacao avec Aubert Zohoré, autre conseiller du Palais. Sur les questions économiques, le chef de l’État dispose de Charles Diby Koffi, ministre de l’Économie et des Finances, de Paul-Antoine Bohoun-Bouabré, ministre du Plan, et de grands patrons comme Laurent Ottro Zirignon (SIR), Kassoum Fadika (Petroci)…
En matière de sécurité, le conseiller Bertin Kadet est à la manœuvre. Autres sécurocrates du régime, le généralPhilippe Mangou, chef d’état-major des forces armées, et le général de gendarmerie Guiai Bi Poin, qui dirige le Centre de commandement des opérations de sécurité (Cecos).
Homme de confiance parmi les sécurocrates, le général Philippe Mangou est chef d'état-major des forces armées ivoiriennes.
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Pontes du régime
Pour sa campagne, le candidat Gbagbo a choisi la plateforme le plus large possible. Sa candidature est portée par La Majorité présidentielle, rassemblement du FPI et de neuf petits partis. On trouve à la tête de ces formations des personnalités comme Stéphane Kipré, gendre du président, des ralliés comme les ex-PDCI Laurent Dona Fologo et Danièle Boni-Claverie, ou le transfuge du RDR, Théodore Mel Eg. Ils sont tous membres du Haut Conseil politique de campagne aux côtés de pontes du régime comme Simone Gbagbo ou Mamadou Koulibaly, le président de l’Assemblée nationale…
Issa Malick Coulibaly dirige la campagne et est directeur de cabinet adjoint à la présidence.
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La direction de campagne est assurée par le directeur de cabinet adjoint à la présidence, le docteur Issa Malick Coulibaly, originaire de Korhogo. Assez récent dans la galaxie, cet ancien responsable du programme national de lutte contre le sida est cornaqué par le professeur Alphonse Voho Sahi, conseiller et plume du chef de l’État. Ce binôme coordonne les activités de quatorze directeurs adjoints de campagne.
Parmi les plus importants, le préfet Gervais Coulibaly, porte-parole du président, est chargé de la mobilisation de la société civile. Les finances sont gérées par l’ex-directeur général de l’Union régionale des entreprises coopératives de la zone des savanes, Soro Seydou. Gnamien Yao, ancien ministre d’Henri Konan Bédié, fait campagne auprès des Ivoiriens de l’étranger.
La mobilisation de la jeunesse est confiée à Charles Blé Goudé, le leader des Jeunes patriotes, qui a bien du mal à cohabiter avec Navigué Konaté. Celle des femmes est du ressort de Geneviève Bro-Grébé et de Marie-Odette Lorougnon. Sokouri Bohui est le coordinateur des directions départementales de campagne et des opérations électorales. Enfin, le candidat Gbagbo a choisi comme porte-parole de campagne Pascal Affi Nguessan, président du FPI.
Le président du FPI et porte-parole de campagne, Pascal Affi Nguessan, est toujours en première ligne.
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Ce tableau ne saurait être complet sans y ajouter quelques amis comme Guy Labertit, l’ex-Monsieur Afrique du Parti socialiste français, et Albert Bourgi, professeur de droit public à l’université de Reims, qui produisent des notes et des analyses, et dispensent de précieux conseils. Gbagbo peut aussi compter sur l’architecte Pierre Fakhoury, responsable des grands chantiers du président et conciliateur auprès des leaders de l’opposition. Il bénéficie enfin de soutiens dans la communauté libanaise, notamment avec les deux conseillers économiques et sociaux, Roland Dagher et Fouad Omaïs.
Autant de cercles qui peuvent alimenter rivalités et jalousies. Et au final provoquer des courts-circuits dans ce « système Gbagbo ». En réponse, le message du patron est clair : laisser les ego de côté.