Ce qui tient effectivement tout l’édifice imaginé pour ce film qui se revoit avec beaucoup de plaisir. Pour sa vision documentariste sur un grand moment de l’Histoire (la fuite des dignitaires Nazi à la fin de la seconde guerre mondiale) et une mise en scène au cordeau, magnifique.
Un général allemand, un chef de la Gestapo et son adjoint, un industriel italien et sa femme, un journaliste « collabo », un savant compromis voilà le joli tableau qui prend place à bord du sous-marin . En l’absence d’un médecin, un petit commando retourne à terre et conduit de force le docteur Guibert qui ne s’imagine pas vivre alors une incroyable odyssée.
Un huis clos imposé dans le décor sous-marin au cœur duquel René Clément se rend maître d’une situation qui au fil du voyage ne peut qu’empirer. Par le confinement général, et la situation d’une armée dont les défaites annoncées, alimentent les intrigues et les alliances contre-nature.
Son tour de force est de nous faire oublier très rapidement les bons et les méchants, les personnages prenant de l’épaisseur au fil du récit, pour donner toute la mesure de leur caractère et de leur psychologie , aux prises avec leurs angoisses, et leurs haines, dans ce qui deviendra au final un sauve qui peut général. Le suspense est de tous les instants, car aucun manichéisme n’entretient les rapports humains, disséqués avec un objectif d’une très grande pertinence.
Ce qui confère à l’interprétation, de jolis instants d’émotion et de spontanéité, malgré un codage très particulier. La direction d’acteurs est omniprésente pour des rôles de composition sur mesure. C’est assez rigoureux dans la forme, mais sur le fond l’ensemble devient fluide et l’évidence, s’impose.
La scène de l’agent infiltré en train de retourner sa veste au profit des américains (Marcel Dalio ) suivi de celle du hangar à café ( il faut bien respirer un peu , et sortir du sous-marin) sont à ce titre des modèle du genre .
Je ne sais pas si la voix off était alors monnaie courante, mais celle du héros confronté à ses incertitudes ajoute un piment supplémentaire au travail de comédien de Henri Vidal . Dans une posture qui paraît évidente, mais qu’il faut pouvoir restituer sans caricature Jo Dest, plus nazi tu meurs ! est aussi absolument prodigieux. Le casting ne souffrant d’aucune faiblesse, je citerais encore et seulement Florence Marly, belle intrigante au regard foudroyant. Un général nazi se laissera séduire.
LE SUPPLEMENT
« René Clément, ou le cinéma de l’épure ». 53 mn
Ce documentaire de Dominique Maillet retrace la carrière d’un homme et celle d’un réalisateur, dans la vie si courtois et attentionné, mais « un dictateur » sur un plateau raconte Claude Pinoteau, qui fut son assistant. « Sur le plateau, tout le monde était au garde à vous » confirme un autre réalisateur Costa-Gavras.
Et les témoignages convergent ainsi autour d’une Nouvelle Vague qui ne pouvait souffrir le cinéma de René Clément, François Truffaut en particulier. « C’était un rival » poursuit l’auteur de « Amen » , « et par ailleurs, il suivait très peu l’actualité du cinéma, ce qui déplaisait .Il ne savait pas non plus se mettre en avant ».
Une fois le portrait brossé, on se dirige sur les pas d’un réalisateur pointilleux, « très exigeant pour lui-même et pour les autres. C’est quelqu’un qui aimait la précision, tous les paramètres d’un film devant se mettre en perspective » relève le cinéaste Dominique Delouche.
Costa-Gavras aura fait ses premières armes aux côtés de René Clément
Ce sera le cas pour « Les Maudits » dont l’histoire est relatée ici à travers le travail d’un technicien reconnu et recherché par ses paires. Il avait notamment fait construire un vrai sous marin, aux côtes exactes et sans ouverture possible, ce qui aurait permis des astuces de réalisation. Pour « Un prophète », Audiard utilisera le même procédé sur la prison . On peut le voir dans ce blog.