A Song a Place
organise son deuxième concert de la saison dans le cotonneux Sazz'n Jazz.
Après Rue Royale et Akward I, l'équipe à Ann Arbor et Dan Miller accueille Catherine Graindorge et
Julia Kent, deux artistes au background classique.
A 20h30' le douillet jazz club d'Ali Bagseven fait le plein et Ann Arbor introduit, sobrement, celle qui doit ouvrir les (d)ébats:
Catherine
Graindorge
Elle passe allègrement de Shakespeare à Heiner Muller, dialogue avec Bernard Van Eeghem ou manie l'archet chez Nox, sans oublier Sagara, One One One ou Monsoon.
Ce soir l'éclectique bruxelloise travaillera sans filet, armée de ses violons, archet, ampli, effect pedals et samplers.
' On air' est une pièce composée pour une chorégraphie dont la première aura lieu à Paris dans quelques semaines.
Un violon lugubre déformé par une wah wah, à l'instar d'un Jean-Luc Ponty.
Une lente mélopée en forme de lament celtique se balade sur decorum Jimi Hendrix.
La musicienne oscillant, d'avant en arrière, au gré des mouvements.
Profitant de la mise en boucles, C G change d'ustensile et amorce un jeu en arpegio pour ensuite reprendre le thème initial.
Belle maîtrise technique pour un soundscape lancinant et répétitif, proche des aventures de Wim Mertens ou de Gavin Bryars:du classical ambient!
'Animal 1' une composition créée pour la pièce du même nom.
Tout aussi minimaliste et filmique, grâce aux percussions samplées. En fermant les yeux(et si tu as prévenu ta mutuelle), tu peux atterrir en Tanzanie, du côté des Serengeti volcanic grasslands,
et admirer un stotting d'élégantes gazelles fuyant de cruels prédateurs.
'Lumière' une pauvre note de piano désaccordé , quelques balbutiements au violon, le jour se lève du côté des Carpathes.
'Animal 2' un retour dans la Savane, distrait, tu y avais oublié une épouse!
Michael Nyman s'occupant du soundtrack de cette Odyssée africaine.
'Ombre' d'angoissantes vocalises haletantes sur nappé de violon funèbre.
Miss Graindorge entamant une danse macabre avec son instrument.
Requiem pour un spectre!
' Les Bambous' le violon se fait légère mandoline...
Bambou
dans tes silences se dessinent
Bambou
des africaines abyssines
Mais non, c'est pas du Chamfort, le violon fébrile suit les fléchissements des poacées balayées par un vent tiède et caressant.
'Kayak' je cogne mon Stradivarius, j'emboucle (ai téléphoné à Larousse, il l'inclura dans l'édition 2011) ces sonorités, je gratte l'animal, corromps les sons obtenus pour vous jouer un blues
expérimental tout en pagayant gaiement.
Anseremme : terminus!
Fin d'une audacieuse et aventureuse escapade.
Le 8 octobre Catherine Graindorge se produira au Botanique avant Joy.
A ne pas manquer!
Julia
Kent
Que dis-tu, Véronique?
Ah, Julia naît à Vancouver.
Que disent les annales de Bloomington?
Fait partie de Rasputina, un cellorock band créé par Melora Creager, rejoint Antony & The Johnsons pour le second album ' I am a Bird Now' et en 2007 sort son premier effort solo '
Delay'.
Depuis peu, un petit frère, un EP 'Last Day in July' (août 2010), un second full CD verra le jour en 2011.
Cachée derrière son violoncelle, déchaussée ( nice tattoo on her right foot), la canadienne attaque 'Acquario' , un verseau d'une beauté austère.
Même scénario que chez Catherine Graindorge, mais un seul instrument et un attirail électronique réduit de moitié.
Boucles en strates, séquences discrètes et un violoncelle inspiré.
Le Sazz'n Jazz décolle pour un second périple harmonieux.
'Ailanthus' une pièce arborescente raffinée, débutant par un jeu en arpèges mis en boucles, avant qu' un archet grave ne vienne taquiner ce Vernis du Japon à la sève toxique.
Ampleur majestueuse!
'Carapace' noirceur romantique slave, contrebalancée par quelques envolées John Wayne en phase amoureuse.
'Guarding the invitations'. Invitations à l'italienne: légères, pétillantes à consommer accompagnées d'un frais Trebbiano.
Quelques accords jazzy, le violoncelle transformé en contrebasse, pour annoncer 'Missed' , arpèges, glissando sec, boucles.... une complainte opaque.
L'archet se mue en baguettes et martèle les cordes sans agressivité. La tension monte, cette fée a réussi à t'hypnotiser, te voilà visser à ton siège, dans l'incapacité de mouvoir le plus ténu de
tes membres.
' Last Day in July' d'une lenteur aristocratique.
Tout le club baigne dans une voluptueuse atmosphère de mélancolie byronienne.
Un poème sonore, dixit Denys-Louis Colaux.
Effectivement, la force évocatrice de ces thèmes atmosphériques est sidérante: une aube voilée, un lac couverts de brumes, le silence... une palette délavée de gris, d'étain, de lait.
'Tempelhof', une marche vivace, bourrée d'effets élastiques.
Les doigts glissent le long des cordes, l'archet taquin virevolte, les notes deviennent flexibles, s'étirent...
La paume amorce une nouvelle descente sensuelle le long du corps offert.
Soudain, un couic met fin à l'exercice amoureux.
En clair obscur, plus proche de Rembrandt que du Caravaggio.
Tu laisses tout un flot d'impressions et d'émotions parcourir ton corps et ton esprit.
Tu seras tout surpris de devoir quitter tes songes après d' ultimes arabesques afin, comme les autres, d'implorer un bis.
Catherine will you join me, dear!
Julia, ma chère, mes outils sont à l'atelier.
The audience can wait, darling.
Sans adjonction d'électrons salins, les brillantes gentes dames nous concoctent un impromptu du meilleur effet!
Julia Kent et Catherine Graindorge: grâce et talent!
Talent et grâce, pas de jaloux!