“Doit-on, oui ou non, poursuivre l’actuelle immigration de peuplement qui fait légalement entrer chaque année, depuis des lustres, près de 200.000 personnes (180.000 en 2009), sans compter les demandeurs d’asile (40.000, dont 10.000 régularisés) et les clandestins, estimés à 100.000 ?” I. Rioufol – Blog
Les journalistes ne disposent plus de mots pour appréhender l’extrême droite et ses avatars. Le 28 septembre 2010, E. Besson reçu par P. Cohen sur France Inter a pu discourir, proférer, avec une indolence journalistique rare. La radio publique en crise d’identité a troqué une matinale active, rythmée, des fois partisane pour une tribune libre, insipide et crasse dans son traitement de l’indicible. Aucune perspective politique, mais des questions sur mesure pour un ministre visiblement à jour de ses fiches argumentaires. Habituée au passage de plats sur les questions économiques, la radio publique étend la pratique aux questions éthiques. Un nouveau TINA, identitaire celui-ci, s’impose dans les médias. Un cercle de la raison pour les pragmatiques de la politique. À défaut d’être militante sur les droits de l’Homme ou des questions sociales, la corporation journalistique devrait au moins militer pour une pratique normale du métier. En l’espèce, se renseigner, prendre un peu de champ, poser de vraies questions. Pratique d’autant plus importante qu’elle ambitionne d’éclairer la vie politique.
Enfumage-Désenfumage
C’est la caractéristique essentielle du locuteur en mode TINA. Répéter chaque fois qu’un micro lui est tendu, sur un ton docte, des contrevérités ou des approximations. La spécificité du journaliste dans ce mode est d’opiner. A chaque fois. Pas une interview, pas un communiqué sans qu’Eric Besson n’affirme que la France est “la plus généreuse d’Europe, deuxième au monde, en matière d’Asile”. C’est faux. Il ne sera pas contredit. Jamais. Ni par Patrick Cohen, ni par aucun de ses confrères avant lui. Pas une intervention sans que le ministre n’abuse de la juxtaposition des termes “immigration” et “illégale”. Cette association est spécieuse. Le statut juridique d’un étranger sans papiers en France, est pourtant clair : il convient de parler d’immigré en situation irrégulière. Eric Besson lui préfère le terme plus anxiogène d’“illégal”. Il ne sera pas contredit. Jamais.
Ni par Patrick Cohen, ni par aucun de ses confrères avant lui. Le budget du ministère de l’immigration est le secret le mieux gardé de France. Mais quand Eric Besson lâche, pour mieux justifier le caractère généreux de sa politique, quelques chiffres, ceux-ci ne résistent pas a une opération arithmétique simple et se contredisent entre eux. Eric Besson ne sera pas corrigé, ni relancé. Jamais. Ni par Patrick Cohen, ni par aucun de ses confrères avant lui. Le ministre prétexte la nécessaire transposition des directives Européennes pour mieux justifier “l’obsession législative” de sa politique d’immigration, au moment même ou l’Europe reproche à la France de ne pas avoir “transposé en droit français les garanties procédurales européennes” en la matière. Cela ne fera l’objet d’aucun rapprochement, d’aucun recoupement. Ni de la part de Patrick Cohen, ni de la part d’aucun de ses confrères.
Le « gauchiste » nouvelle frontière du frontiste
E. Besson tient sur un ton monocorde caractéristique, un discours cynique, erroné sur les questions d’immigrations. Un bavardage entre une brochette de journalistes sous Lexomil et un ministre qui déballe sa logorrhée consignée sur fiche Bristol. Il assène que les électeurs du front national, devenus l’alpha et l’oméga de la vie politique française, sont d’anciens sympathisants communistes. Cette formule toute faite tourne en boucle dans les crânes dégarnis de la sphère politico-médiatique. Une vérité non contestée, immanente, ou passée par pertes et profits du vulgaire commentaire politique. Une idée qui valide l’option de l’alliance rouge-brun chère à A. Finkielkraut. Une idée qui entérine la crétinerie des gauchistes, des ouvriers, des petites gens facilement aguichés par les sirènes Lepenistes. Une posture aristocratique des dominants à l’écoute de la plèbe inconstante, inculte. Un troupeau d’ignares qu’il faut guider. Pour étayer ses allégations E. Besson prendra les propos rapportés d’habitants du village de la Drôme dont il est maire. Donzères, 5 000 habitants. Le miroir social du pays, un laboratoire in vivo pour une politique de l’identité nationale et poste avancé de la lutte anti front national… Une thèse, aussi, basée sur l’approche simpliste des résultats d’élections depuis 30 ans. Disparition du PC, présence alternative de la droite et gauche gouvernementales et ancrage de l’extrême droite. Première analyse, les communistes ont fait le tour du cadran. Que des électeurs du Parti communiste aient basculé à l’extrême droite, cela a pu se produire. Si P. Cohen avait un embryon de culture politique française, il aurait pu tempérer les assertions du ministre. La réalité frontiste et la chute du Parti communiste n’ont pas de relation directe en terme de vase communicant électoral. Dans les zones populaires, l’abstention des anciens électeurs de gauche est prégnante. On ne vote pas à l’extrême droite, on ne vote plus. Le gros des troupes du Front national provient des électeurs de droite qui se sont radicalisés.
Le problème d’E. Besson, il représente le prototype de la faillite politique dans les classes populaires. Légataire d’une gauche stérile, incapable de prendre en compte des problèmes sociaux, accompagnant les catastrophes économiques. Puis VRP de la droite angélique promettant le paradis du libre-échange concurrentiel et de l’individualisme. Il a couvert le spectre politique pour s’échouer dans la trahison. Plus que la trahison de courants ou de famille, il est le sycophante de la Politique. La quintessence de l’opportuniste qui construit sa gloire (médiatique et financière) sur son incompétence et ses échecs. Mais P. Cohen ne peut le savoir, ne peut (ne veut) le comprendre. Certes, il pourrait dire qu’il y a corrélation entre effondrement du PC et émergence de l’extrême droite. Corrélation dans la détresse sociale, et dans la désaffection de la chose publique. Il ne le fait pas ou plus, pris dans sa nouvelle grille de lecture, celle du TINA* identitaire.
TINA, le syncrétisme des libéraux néo-conservateurs et des extrémistes identitaires
There is no alternative. TINA c’est l’expansion économique comme régression sociale. Les néo-conservateurs version hexagonale fabriquent par symétrie la xénophobie comme humanisme. Et en face (ou à côté et pas très loin) le journaliste de France Inter taille des questions sur mesure pour E. Besson qui endosse l’uniforme du maton et ressasse des propos de casernes. Interrogé sur le coût de l’immigration, le ministre de N.Sarkozy a pu tranquillement évoquer une étude quantifiant la charge financière qui pèse sur les Français pour l’“accueil” des immigrés. En arrière-plan, le déficit, la dette, “celle-que-nous-laissons-à-nos-enfants”. Les zélateurs du TINA empoignent cette laisse courte pour refréner les ardeurs partageuses des progressistes. Avec E. Besson, on déploie le concept pour y inclure au-delà des prestations sociales, des retraites, l’accueil et le coût global même des “étrangers”. Pour atteindre le tréfonds, les entrailles de la nation : la progéniture bien gauloise. Il sort de l’humus des représentations bien ancrées au front national, pour les “démocratiser”. La mythologie d’extrême droite s’abreuve de poncifs sur le traitement avantageux des étrangers par rapport aux nationaux. Eux, qui disposent de logements pris aux “bons Français”, qui disposent à volonté de soins qui plombent les comptes de la sécurité sociale. L’immigré parasitaire. On n’en est pas très loin. Il y avait le chômeur lascif, E. Besson y adjoint subrepticement la vermine de l’extérieur. L’Homme relégué au rang de compte de résultats : une colonne charges, une colonne profits avec au pied le résultat net. Un substrat, juge de paix du technocrate biberonné au libéralisme économique d’état. Prisme glaçant de la technocratie extrémiste. E. Besson et les siens ne pourront jamais quantifier la valeur d’un humain. Ils s’y escriment. Mais n’en ont plus l’acuité. Les amarres avec le réel larguées depuis trop longtemps, trop en phase avec les remugles nauséabonds de la stratégie politicienne et de la conservation du pouvoir.
En France, un ministre de l’intérieur est toujours en poste bien que condamné pour injures racistes. Un président, garant de la Constitution, stigmatise spécifiquement un groupe ethnique. Un ministre de l’identité nationale, pur produit de la techno structure socialiste, veut fabriquer de “bons Français”. P. Cohen et ses confrères normalisent par idéologie, inculture et/ou paresse l’avachissement de valeurs simples et fondamentales. Ils pratiquent assidûment le bavassage médiatique entre gens de bonne compagnie maintenant d’accord sur l’essentiel. Dérives extrémistes, impérities économiques, l’UMP, la droite républicaine, les transfuges de la gauche sont aux manettes sans limites politiques ou médiatiques. Sera-t-on un jour capable d’évaluer le coût de la bêtise ?
*There is no alternative
Zeyesnidzeno (désenfumage) & Vogelsong – Paris – 29 septembre 2010