C’est tout moi ça.
Je pars pour voir huit moines se faire joyeusement décapiter, et je me retrouve devant une comédie anglaise ou un mélo sentimental bien français. Oui, j’ai essayé par trois fois d’aller voir Des hommes et des dieux, et par trois fois, tel Saint Pierre reniant le Christ, j’ai échoué. Honte sur moi, même si ce n’est que partie remise (et ricorde).
La première fois, j’ai opté au dernier moment pour un film qui allait quitter l’affiche. Y avait comme qui dirait urgence. Et puis on me l’avait recommandé, et j’ai horreur de décevoir les gens après leur avoir dit : « Ah bin j’irai le voir alors ! ». Moi et ma grande g…
C’est ainsi que j’ai vu in extremis Tamara Drewe, une comédie anglaise de Stephen Frears (comédie… Stephen Frears… je vous laisse chercher où est l’erreur…). Bon, c’est un petit film bien sympathique, une comédie un poil grinçante comme les aiment les Rosbeefs Britanniques, une sorte de Love Actually chez les bouseux, donc nettement moins glamour. Le bonheur est dans le pré, quoi.
Au final, nous avons là une réflexion douce-amère sur le temps, le couple et l’amour à travers plusieurs histoires qui finissent par s’entrechoquer. Rien de renversant, mais l’on prend quand même plaisir à suivre le retour du vilain petit canard (la fameuse Tamara du titre) dans un trou paumé de la campagne anglaise, lequel retour va profondément bousculer la tranquillité monacale d’une pension pour écrivaillons laborieux.
C’est une bonne idée, d’ailleurs, que d’avoir pris pour cadre un tel endroit. C’est original. J’imagine assez bien les conversations entre pensionnaires dans un lieu similaire, en France :
« Et après ?
- La possibilité d’une île…
- Pourquoi le Brésil ?
- Oui, mais… Je voudrais que quelqu’un m’attende quelque part…
- Où es-tu ? »
Dans le genre dîner du mercredi soir, ce pourrait être délicieux…
Dernier point concernant cette leçon sur l’art délicat de foutre la merde quand on est une mini-pouffe prépubère, méfiez-vous : la chanson A la campagne de Bénabar risque de vous trotter un moment dans la tête. Venez pas dire qu’on ne vous aura pas prévenu.
Après tant de vaudevillesque ruralité, j’ai décidé de revenir aux choses spirituelles et d’aller voir le film initialement prévu.
Nouvel échec.
Allez savoir pourquoi, encore une fois au dernier moment, j’ai changé mon fusil d’épaule (apôtre aux Corinthiens) et je suis allé voir le dernier Lelouch, Ces amours-là.
Je ne sais pas ce qui m’a pris.
C’est d’autant plus étonnant que je n’ai jamais réussi à aimer les films de Claude Lelouch que j’ai vus. Enfin… Pour être tout à fait exact : je n’ai jamais réussi à les aimer en entier. Prenons pour exemple un classique : Un homme et une femme. Si je trouve que la scène finale est un pur joyau, le reste du film m’a quelque peu barbé sévère. Pareil pour les autres. Quelques scènes ici ou là, mais pas de quoi hurler au chef d’œuvre à la fin de la séance.
Eh bien figurez-vous qu’aujourd’hui je suis un peu emmerdé : j’ai vraiment beaucoup aimé Ces amours-là. Pis, je crois que je le reverrais avec plaisir. Bien sûr c’est du 100% Lelouch, avec ses lourdeurs et ses facilités de scénario, comme d’habituuuuude-euuuh. Et puis cette énervante manie de vouloir filmer l’amour au milieu du drame et de l’horreur, d’une manière presque pathologique…
Mais c’est précisément là que le film m’a touché. Une phrase, une unique phrase, pour tout résumer, pour justifier cet optimisme forcené et cette – un peu gauche – leçon d’espoir : « L’incroyable fertilité du chaos ». Comme si, chez Lelouch, l’amour, le véritable amour, ne pouvait que naître dans la douleur ou dans la peur. La corde romantique vibre, le cinéaste a atteint son but et de fait on lui pardonne volontiers ses maladresses.
C’est beau. Juste beau.
Belle la scène du train des déportés, avec le face-à-face (ou le côte-à-côte) entre Judith Magre et Anouk Aimée.
Belle, l’interprétation de Laurent Couson. Elle compense l’envie qu’on pourrait avoir de coller des tartes à Audrey Dana.
Belle, la scène finale, bercée par la voix d’Anggun. (C’est d’ailleurs bizarre, cette manie chez Lelouch de faire tourner les chanteurs : hier Patricia Kaas, aujourd’hui Raphaël, Liane Foly et Anggun… On manque d’acteurs en France ?).
Sublimement belle, la galerie de portraits finale, quand repassent les visages émouvants des acteurs que Claude Lelouch a fait tourner.
Belle, sa déclaration d’amour au cinéma. Au moins, c’est pas du flan comme Tarantino.
J’ai aimé Ces amours-là. Lelouch peut mourir. Moi aussi. On est copains, maintenant. Pour de vrai.
Et puis je suis content d’aimer un film que les critiques intellectualisants de la presse bobo ont détesté.
Parce que, justement, comme le disait Andrzej Zulawski et Pascal Obispo : L’important, c’est d’aimer.
Pardon ?
Ah oui, j’avais parlé de trois tentatives lamentablement ratées pour Des hommes et des dieux, et je n’en ai cité que deux. Y en a qui suivent, ça fait plaisir.
Eh bien la troisième date de pas plus tard qu’hier.
J’avais oublié ma carte de fidélité.
Je crois que les dieux m’en veulent personnellement…