Le Grenelle moins audible après le coup de rabot sur les niches vertes
De Claire SNEGAROFF (AFP)
PARIS — Trois ans après le Grenelle de l'Environnement, le coup de rabot passé sur les aides fiscales "vertes" ne peut que déboussoler les ménages et les industriels, critiquent les écologistes, même si le gouvernement soutient qu'il ne fait en aucun cas machine arrière.
Les arbitrages 2011 n'épargnent par le ministère de l'Ecologie, dont le budget est réduit de 2%.
Alors que les ménages sont invités à réaliser toujours plus d'économies d'énergies, le rabot de 10% passe sur le crédit d'impôt sur les équipements en faveur du développement durable, comme l'installation de matériaux d'isolation thermique ou les chaudières à condensation.
Celui sur les installations photovoltaïques tombe, lui, de 50 à 25% dès ce mercredi, et comme prévu, sont encore abaissés les seuils du bonus-malus lié aux achats de voitures neuves qui vise à réduire les émissions de CO2.
Des "adaptations" que le ministre de l'Ecologie, Jean-Louis Borloo, impute en partie au succès des mesures prises dans le cadre du Grenelle de l'Environnement, et qui se justifient pour en limiter "la surchauffe".
"La fiscalité verte, c'est donner un coup d'accélérateur et ensuite s'adapter en permanence à la réalité du marché", a-t-il expliqué lors d'une conférence de presse.
Avec ce budget 2011, "nous sommes dans la continuité du Grenelle de l'Environnement (...) et l'extraordinaire rupture dans laquelle notre pays est engagé ne va que s'accélérer", a-t-il poursuivi, assurant que la France serait "très en avance sur (les objectifs en matière d'émission de gaz à effet de serre prévus par le protocole de) Kyoto et sur les engagement du Grenelle".
Un enthousiasme que ne semblent pas partager les écologistes tels que le député européen d'Europe Ecologie, Yannick Jadot, ancien directeur de programmes de Greenpeace qui a participé activement aux négociations du Grenelle en 2007.
"En terme de mise en oeuvre du Grenelle, la seule mesure qui n'est pas rabotée, c'est la campagne publicitaire du gouvernement !", ironise-t-il, en référence aux spots radiodiffusés sur les économies d'énergie ou le tri des déchets qui appellent les Français à agir "vite" parce que "ça chauffe !".
D'après lui, le gouvernement navigue à vue.
"Sur les énergies renouvelables comme sur le bâtiment, l'environnement financier, juridique et administratif change quasiment tous les six mois", assure-t-il, ce qui constitue "un frein très fort au développement des secteurs en question".
"Message brouillé" pour les industriels mais aussi pour les ménages, affirme de son côté Bruno Genty, président de la fédération France Nature environnement (FNE, 3.000 associations).
"Je comprends la motivation de réduire (...) les niches fiscales, j'entends bien l'histoire de la dette publique, mais il faut aussi envoyer un signal clair aux citoyens, aux investisseurs", estime-t-il.
Réduire le crédit d'impôt en faveur du développement durable de quelques points "ce n'est pas ça qui est déterminant", reconnaît-il. "Mais ça brouille le message. Ca laisse entendre que ça répondait à une urgence très conjoncturelle, c'est ça qui est le plus ennuyeux".
Pour Arnaud Gossement, de l'ONG Droit et Environnement, qui a également participé au Grenelle de l'Environnement, "ce projet de loi témoigne de la difficulté de créer une fiscalité verte en France", même s'il refuse "d'en imputer l'unique responsabilité au gouvernement".
Lors du Grenelle, "nous avons manqué de temps et d'experts pour jeter les bases d'une vraie fiscalité écologique", écrit-il, tout en appelant à un "Grenelle de la fiscalité, préalable indispensable à l'avènement d'une économie vraiment verte".