Hier, dans sa " Douche Froide" matinale sur Europe1, Guy Carlier évoquait le temps qui court, la vieillesse, Brigitte Bardot... quand tout à coup, il eut une lueur intuitive qui provoqua ce blog.
Guy Carlier rappela ainsi qu'il y a cinquante ans, on fit dire à Sammy Davis Jr cette succulente boutade (démentie par l'intéressé) : " je suis noir, juif et borgne; alors je pense que si je suis populaire, c'est parce que je chante bien"... Guy Carlier affirma soudain que de nos jours, il était devenu impossible d'être "vieux, catho et gros".
La tolérance universelle aurait fait place au politiquement correct choisi. Il y aurait des moqueries interdites (islam, racisme, homosexualité, jeunesse, etc.) et des moqueries ou des indifférences affirmées.
Cette chronique polémique de Guy Carlier rejoint une discussion récente avec quelques moines. Ceux-ci tenaient que la société actuelle pensait s'extirper de la foi mais avait surtout perdu la raison et l'avait remplacée par l'affectivité. Tous nos combats, nos débats, nos critères de sélection seraient affectifs. Nous ne réfléchirions plus suffisamment.
Et c'est vrai.
La vieillesse mise au rencard chère à Guy Carlier rappelle sans doute à notre société les fameux vers de Ronsard : " quand vous serez bien vieille au soir à la chandelle [...] Ronsard me célébrait du temps que j'étais belle." La vieillesse est ainsi mise en regard de la beauté, de la santé, de la vivacité, alors qu'elle est surtout mémoire, expérience, sagesse. Affection versus raison...
De même, le poids nous ramène également à la beauté et à la santé. " Mens sana in corpore sano," nous enseigne à juste titre le poète latin Juvenal. Mais sa citation est souvent tronquée et (volontairement?) mal interprétée. Juvenal déclare en fait qu'il faut prier afin d'obtenir un esprit sain dans un corps sain. L'objectif est donc bien plus l'esprit sain que le corps sain. Bien-sûr, la société a raison de militer pour la bonne santé de la population, notamment celle des enfants. Mais le poids n'est pas que mal-bouffe ou paresse; il est parfois naturel. Il doit parfois être accepté. Notre société ne pourrait-elle pas réapprendre l'humilité face à une nature qui la dépasse? Affection versus raison...
L'humilité, c'est un peu la vertu à laquelle les catholiques doivent se rattacher ces temps-ci. Car il faut en avoir une sacrée couche pour supporter certaines remarques primaires. Interrogé par le quotidien espagnol ABC, le philosophe français Bernard-Henri Lévy a affirmé que " la voix du Pape était extrêmement importante. Nous sommes très injustes avec ce Pape. Je ne suis pas catholique, mais je crois qu'il y a des préjugés. Par dessus tout un anticatholicisme primaire qui prend des proportions énormes en Europe. En France, on parle beaucoup des violations des cimetières juifs et musulmans, mais personne ne sait que les tombes des catholiques sont aussi profanées habituellement. Il existe une sorte d'anticléricalisme en France qui n'est pas sain dans l'absolu." Nous n'avons pas vocation à prendre l'attitude de Caliméro ou du persécuté. Mais ce que nous devons comprendre est que les réactions actuelles contre l'Église procèdent bien d'une logique affective excessive. Nous réagissons face à une Église qui nous propose un discours éloigné de notre comportement, de notre état de vie, de nos désirs. Cela nous hérisse le poil et nous tombons dans une posture épidermique irrationnelle. L'Église ne nous dit pourtant pas que le chemin de vie qu'elle propose est évident et que nous y arriverons en claquant des doigts; elle ne nous affirme pas que les pécheurs sont voués aux gémonies et que les chapelles sont réservées aux saints. Au contraire, elle nous rappelle que chaque homme est appelé à devenir un saint quel que soit son point de départ, et nous offre des pistes pour atteindre cet objectif impossible. La première piste étant la raison, l'intelligence, la connaissance de Dieu. C'est toute la théologie de Benoit XVI si brillamment exprimée en Angleterre. Affection versus raison...
Les noirs, borgnes, juifs d'hier n'ont certainement pas à être comparés aux vieux, cathos et gros d'aujourd'hui. Les échelles ne servent à rien. En revanche, il serait pertinent de se poser la question de notre aptitude à la raison. Dans un monde qui prône le progrès technique, dans un monde qui exècre le dogmatisme, dans un monde qui cherche à se créer un bonheur humain, la pensée de l'homme se renferme.
La pauvreté est présente tout autour de nous; les cabinets des psychologues sont pleins; les haines, les persécutions, les guerres poussent comme des champignons venimeux; la violence sexuelle active et passive est incontournable. Y a-t-il de quoi être fiers? Y a-t-il de quoi oublier la mémoire des anciens? Y a-t-il de quoi se laisser enfermer dans le déni de soi? Y a-t-il de quoi refuser d'écouter, débattre, chercher à comprendre la sagesse d'une foi?
Affection versus raison... Ces moines rencontrés il y a quelques jours ont deux choses essentielles à nous apprendre : l'humilité et la patience. Politique, publicité, interview, internet, tout va très vite. Il faut choquer, attirer le regard, éviter la zapette. Mais sans patience, sans humilité, sans prendre le temps, nous ne pourrons sans doute pas progresser.
Alors dans ce monde d'affection, certains raisonneurs sont insultés, persécutés. L'évangile des Béatitudes les poussent à être heureux, car ils sont la lumière du monde et que cette lumière ne peut être cachée.
Merci Benoit XVI de briller si intensément et essayons nous-aussi humblement de raisonner et faire briller notre très petite lueur.