Sorti par la porte, Éric Besson revient par la fenêtre. Le ministre alimente une nouvelle fois l’hystérie qui entoure le débat sur l’immigration par l’emploi , dans un entretien accordé au Parisien , de l’expression très connotée de “bons petits français”. “Si cela vous choque que des étrangers deviennent de “bons petits Français”, moi je trouve que c’est une excellente nouvelle”, “Si mon ministère peut être une machine à fabriquer de bon Français, je serai très heureux.”
Droit dans ses bottes, volontairement provocateur, le monsieur immigration du gouvernement tempère à peine son propos en ajoutant “Être des ‘bons Français’, ça ne veut pas dire renier son histoire, ses origines ou sa culture française“.
Si Éric Besson voulait allumer un contre-feu au moment où commence à l’Assemblée l’examen du projet de loi “Immigration, intégration et nationalité”, c’est réussi. Il est vrai que le texte sent le soufre puisqu’il est censé graver dans le marbre de la loi les principales dispositions évoquées par Nicolas Sarkozy dans son fameux discours de Grenoble, où à contre-courant de la pratique de ses prédécesseurs, le chef de l’État avait lié immigration et délinquance.
Éric Besson et l’exécutif en général n’ont cure des débats de la représentation nationale. Ce qui les intéresse, c’est d’interpeller directement les citoyens, le bon peuple, à travers les médias. Force est de reconnaître qu’en la matière le team Sarkozy est passé expert avec toujours en tête la stratégie décrite par François Fressoz dans Le Monde à travers la métaphore du chien d’Alcibiade.
Ce n’est donc pas parce qu’on nous sort un chiffon rouge qu’il faut foncer dedans, tête baissée. La saillie d’Éric Besson doit être analysée avec un certain détachement.
Paul Hermant, chroniqueur à la RTBF joue les étonnés. “On vient de s’en apercevoir aujourd’hui : le grand pays qui est situé à côté de là où nous habitons - vous savez bien : un peu plus au sud et dont nous côtoyons le nord - eh bien “ce cher et vieux pays” n’était pas un pays. C’était une usine. C’est le ministre Eric Besson qui a vendu la mèche en s’exprimant aujourd’hui à propos de ces lois sur l’immigration qui sont discutées à l’Assemblée nationale : il entend, a-t-il dit, que son ministère “serve à fabriquer de bons Français”. Se termine ainsi le débat avorté sur l’identité nationale : être Français n’est définitivement pas une identité, c’est une qualité. Et la qualité, ça se fabrique. C’est une marque déposée avec traçabilité, date de péremption et garantie du gouvernement. Après tout une étiquette vaut bien une éthique.“
Invité de France Inter (cf vidéos ci-dessous), le ministre sur conseil vraisemblablement de l’Elysée a tenté de calmer le jeu en indiquant qu’il n’avait fait que répondre à une question d’un lecteur du quotidien.
Titillé par Patrick Cohen, le journaliste de la station publique, il a expliqué que sa démarche était exclusivement guidée par le souci de l’intérêt général avec, et c’est là où c’est intéressant, “la volonté de faire revenir dans le giron républicain les électeurs du Front National”.
“Bons Français”. Pour les plus anciens, l’expression renvoie à la France de l’avant-guerre et à la chanson de Maurice Chevalier “Et tout ça, ça fait d’excellents Français, d’excellents soldats qui marchent au pas, en pensant que la République, c’est encore le meilleur régime ici-bas“.
En 1969, les humoristes de l’époque emmenés par Jean Yanne dans les Shadoks raillaient déjà cette recherche des excellents français, se moquant au passage du terme prometteur de français de souche. La vidéo (consultable ici) n’a pas pris une ride. Si le ridicule ne tue pas, il est une arme puissante. A cet égard, Éric Besson dans sa posture et ses propos n’est pas abject. Il est simplement ridicule.