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Inception

Par Ledinobleu

Affiche française du film InceptionCobb maîtrise un art du vol pour le moins particulier : en s’infiltrant dans les rêves, il peut découvrir les pensées et les idées les plus secrètes afin de les revendre au plus offrant, ce qui fait de lui un espion industriel payé à prix d’or. Mais si de nombreux cartels réclament ses services, Cobb, lui, ne veut qu’une chose : rentrer chez lui pour pouvoir à nouveau serrer ses enfants dans ses bras, ce que son passé troublé lui interdit en raison d’une affaire dont il est pourtant innocent.

Jusqu’à ce qu’un de ses clients lui propose d’effacer son ardoise en échange d’une inception : au lieu de voler une idée, il devra en implanter une – une opération considérée comme impossible mais que Cobb sait comment réaliser, car il l’a déjà fait… et la victime de cette inception passée continue de le hanter, au point de peut-être faire échouer cette nouvelle opération.

En dépit de mon goût plus que prononcé pour la science-fiction, les films qui se réclament de ce genre et qui me plaisent vraiment restent plus que rares – en dehors du pur spectacle visuel qu’ils proposent, et qui depuis un certain temps atteint des sommets de perfection technique tout à fait admirables. Inception se place à part : à vrai dire, non seulement il m’a beaucoup plu, mais il m’a aussi presque impressionné – à la fois pour ses qualités de réalisation mais aussi pour la dimension humaine de son récit, c’est-à-dire son aspect romanesque à défaut de littéraire au sens strict du terme.

Il s’avère assez peu utile de s’étendre sur le concept qui consiste à s’infiltrer dans les rêves d’un tiers afin de lui voler une pensée ou une idée : sous bien des aspects, ça reste assez peu différent de la télépathie qui se trouve illustrée depuis bien longtemps dans de nombreuses productions de science-fiction, quel que soit le média sur lequel elles sont présentées ; de plus, l’infiltration dans les rêves n’a rien de bien nouveau non plus : on se souvient par exemple d’un épisode de la série TV Le Prisonnier (George Markstein & Patrick McGoohan, 1967-1968) basé sur une idée identique ; enfin, des œuvres de Philip K. Dick exploitaient des concepts semblables il y a près d’un demi-siècle (1). Et j’en oublie.

Mais aucune de ces réalisations n’atteignit jamais un tel degré d’imbrication des motivations profondes du personnage principal du récit – ici le Cobb déjà évoqué dans le synopsis ci-dessus – avec à la fois le concept de l’infiltration dans le subconscient d’autrui mais aussi le déroulement du récit lui-même. En d’autres termes, ces itérations précédentes du concept ne dépassaient jamais le stade de l’anecdotique, voire du gratuit ; elles représentaient en quelque sorte, dans le domaine de la science-fiction littéraire ou télévisuelle, l’équivalent des effets spéciaux au cinéma depuis maintenant une trentaine d’années : quelque chose qui retombait à plat dès qu’il avait cessé d’époustoufler l’audience – ce qui pouvait arriver assez vite.

En bref, Inception ne se contente pas de reprendre une idée – de la « voler » donc, pour rester dans un champ lexical fidèle à ce film – mais de bâtir une véritable histoire autour, de conter un récit où, une fois fait abstraction d’un décorum somme toute assez classique dans ses scènes d’action et ses images grandioses, les personnages et leurs intérêts, les passions et leurs folies les poussent à un déchirement total – des autres bien sûr, mais aussi d’eux-mêmes : car Cobb devra avant tout implanter une idée en lui-même s’il veut à nouveau pouvoir embrasser la vie. Pour être plus prosaïque : en racontant l’histoire d’un homme qui parvient enfin à vaincre ses démons, Inception devient de la littérature.

Ou quelque chose qui y ressemble en tous cas. Quelque chose qui reste, par son aspect humain, bien plus sophistiqué que n’importe lequel des exemples cités plus haut. Quelque chose qui fait que ce film vaut largement d’être vu en fin de compte : en parvenant à faire vibrer la corde émotionnelle à ce point, à travers une telle interdépendance entre le postulat technique de départ et le récit si humain qui en découle, Inception s’affirme comme un véritable poème – je veux dire au sens antique du terme, celui qui désigne un conte.

Quant aux fans de science-fiction – surtout dans sa forme littéraire – je m’étonne qu’autant d’entre eux n’aient pas apprécié ce film. Mais quelque chose me dit que la surabondance d’effets spéciaux  et sa connotation blockbuster y sont peut-être pour quelque chose, ce que je trouve dommage : peu importe le flacon tant qu’on a l’ivresse après tout…

Et d’autant plus que le flacon, dans ce cas précis, est très redoutablement bien fait, ce qui est toujours appréciable.

(1) je pense en particulier aux romans L’Œil dans le ciel (Eye in the Sky, 1957) et Au bout du labyrinthe (A Maze of Death, 1970).

Note :

Mon passé de développeur de jeux vidéo joue peut-être un rôle sur ce point, mais je ne peux m’empêcher de penser que le terme « architecte » dans ce film reste assez impropre : il se peut que ce soit une déformation professionnelle, mais le terme de « level designer«  – ou du moins quelque chose relevant d’une connotation assez proche – me semble plus approprié compte tenu de la similitude qui existe entre ce métier et celui de concepteur de rêves dans Inception ; ce que Christopher Nolan n’ignore certainement pas quand je vois comme le dernier quart du film utilise des imageries qu’on trouve aussi dans de nombreux jeux vidéo militaro-réalistes actuels. Mais je comprends que le scénariste et réalisateur ait préféré utiliser un terme mieux connu du grand public que celui de « level designer » ou, encore pire, de « mapper »

Inception, Christopher Nolan
Warner Bros. Pictures, Legendary Pictures & Syncopy, 2010
148 minutes, tous publics


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