Lundi dernier le Conseil fédéral a procédé à la répartition des dicastères après l’élection des successeurs des Conseillers fédéraux sortants, Hans-Rudolf Merz et Moritz Leuenberger, dont les départs respectifs sont annoncés pour les 28 et 31 octobre.
Ces deux Conseillers fédéraux étaient tous deux à la tête de départements parmi les trois considérés comme les plus importants. Ils détenaient respectivement les Finances et le DETEC (Département mammouth de l’environnement, des transports, de l’énergie et de la communication), tandis que le Département de l’Intérieur [qui s'occupe en particulier des assurances sociales] était détenu par Didier Burkhalter, élu l’an passé.
Les trois départements en question sont ceux où le socialisme peut faire le plus de dégâts parce qu’ils permettent facilement de restreindre les degrés de liberté de l’économie et de liberté tout court. Il n’est donc pas étonnant que le Parti socialiste souhaite y placer l’un des siens à la tête, idéologie et fascination pour le pouvoir obligent.
Le Matin du 27 septembre 2010, sous la plume de Fabian Muhieddine, nous raconte ici [d'où provient la photo] comment cette répartition des dicastères s’est faite :
« La séance de lundi a commencé selon la règle d'ancienneté. Chaque conseiller fédéral a fait part de ses souhaits en suivant l'ordre de son élection. En résumé, Micheline Calmy-Rey, Ueli Maurer et Didier Burkhalter voulaient garder leur siège. Doris Leuthard et Eveline Widmer-Schlumpf ont annoncé leur volonté de s'emparer respectivement du Département fédéral de l'environnement, des transports, de l'énergie et de la communication (DETEC) et celui des Finances.
Il ne restait donc plus aux deux nouveaux qu'à choisir entre l'Economie et le Département de justice et police (DFJP). Au fil de la discussion, les compétences d'entrepreneur de Johann Schneider-Ammann semblaient l'imposer à l'économie. La nouvelle élue socialiste Simonetta Sommaruga n'avait donc plus son mot à dire.»
La socialiste Micheline Calmy-Rey dirige donc toujours les Affaires étrangères, l’UDC Ueli Maurer la Défense et le Sport et Didier Burkhalter l’Intérieur.
Mécontentes les deux élues socialistes, Micheline et Simonetta, ont demandé que cette nouvelle répartition soit soumise au vote, ce qui est exceptionnel. Immanquablement les cinq membres du camp bourgeois l’ont entérinée.
La socialiste Simonetta Sommaruga va devoir résoudre les problèmes de criminalité, de violence des jeunes et d’asile. Ce dont le président du Parti démocrate-chrétien, Christophe Darbellay, se réjouit ouvertement. En effet, comme l’on dit, « la critique est aisée, mais l’art est difficile ».
En principe les Conseillers fédéraux, s’ils représentent leurs partis respectifs, doivent prendre quelque distance avec eux pour accomplir leur tâche et, surtout, ne pas être à leurs ordres. La répartition des dicastères, par exemple, leur revient de droit. Or cette répartition n’a pas plu aux médias, qui « portent à gauche » dans leur ensemble. Le Matin, par exemple, a qualifié de « putsch » la répartition décidée par les membres du Conseil fédéral, ce qui est proprement hallucinant.
Christophe Levrat, le Président du Parti socialiste, fâché lui aussi de cette répartition, a traité son collègue, et néanmoins ennemi, le Président du Parti Libéral-radical, Fulvio Pelli, de « menteur invétéré », l’accusant de ne pas avoir respecté un accord passé entre eux sur la répartition des départements au Conseil fédéral. Du coup ce dernier a décidé de porter l’affaire au pénal devant les tribunaux, pour « calomnie » ici…Je t’aime, moi non plus !
La gauche du Conseil fédéral est désormais confinée dans les fonctions régaliennes auxquelles devraient se cantonner tout pouvoir politique : affaires étrangères, police et justice. On peut donc espérer que l’Etat, et notamment l’Etat social, ne continuera plus de croître et qu’il s’amaigrira peut-être un peu pour libérer davantage les forces créatives du pays.
Francis Richard