Après Wikipédia et Bing, ce sera bientôt au tour de la plateforme de musique en ligne lala.com d’intégrer Facebook. De cette manière, les utilisateurs du trombinoscope mondial pourront offrir de la musique à leurs amis via le catalogue de la plateforme de streaming américaine.
La lecture de cet article, couplée au suivi des chiffres de temps passé et de régularité de consultation de Facebook (notamment) ainsi que la lecture à plusieurs reprises d’articles mentionnant l’obsolescence du site Internet face à la page Facebook : « la page Facebook peut-elle remplacer le site Web » m’interpelle.
Vers un nouvel Internet des portails ?
Souvenez-vous : AOL, Wanadoo, Voilà, lycos, Caramail… (vous trouverez les liens facilement, va chercher !) C’était à l’orée du bug de l’an 2000, lorsque l’on passait en « mode connecté » pour charger ses mails et que l’on comptait encore les heures pour ne pas dépasser son forfait.
A cette époque, les moteurs de recherche n’étaient pas la norme, et l’on s’enfonçait dans les limbes du Web via les annuaires que proposaient ces portails.
Et au fait, c’est quoi un portail ?
Selon notre encyclopédie préférée, « Un portail Web (de l’anglais Web portal) est un site Web qui offre une porte d’entrée unique sur un large éventail de ressources et de services (courrier électronique, forum de discussion, espaces de publication, moteur de recherche) centrés sur un domaine ou une communauté particulière. » […] « L’importance d’un portail provient du nombre d’utilisateurs de sa communauté. Dans le cas des portails de fournisseurs d’accès à Internet les plus connus tels qu’Orange, la communauté est issue des abonnements Internet fournis par Orange. Un nombre important d’abonnés des fournisseurs Internet ont comme page d’accueil le portail de leur fournisseur Internet. [...]
Certains portails ont construit leur notoriété sur un service gratuit. [...] Les portails web se construisent autour de services (accès web, adresse électronique gratuite, annuaire gratuit…) et fournissent la plupart du temps des contenus éditoriaux propres et adaptés à leur communauté. »
A la grande époque, celle qui a vu naître Yahoo!, il était parfois difficile d’en « sortir ». Et il n’était pas rare que les FAI proposent leurs propres navigateurs, ou installent directement une page d’accueil et un certain nombre de services dédiés en propre sur Internet Explorer ou Netscape lors de l’installation de la connexion.
Il était évidemment vite possible de s’en extraire mais, encore fallait-il prendre le temps de chercher et surtout, savoir qu’il existait autre chose…
« Ils ont changés la couleur de l’Internet !?? »
Eh non, maman*, ils n’ont pas changé la couleur de l’Internet, Wanadoo est devenu Orange, voilà tout !
Cette phrase que vous avez peut-être déjà entendu est le cri du consommateur d’information passé un peu trop vite de la télévision à Internet et à qui personne n’a jamais montré le chemin de Google ou d’autres sites.
Après tout, ce qui n’est pas au 20 heures n’existe pas, ce qui n’est pas dans Le Monde n’existe pas, ce qui n’est pas sur le portail Wanadoo n’existe pas…
Évidement, dans les années 2000, tout le monde est passé sur Google ou d’autre (si, si, je vous jure y’en a d’autres !), l’Internet est devenu un gros nuage avec plein d’information dedans pour tout le monde. En 2000 tout le monde surf, tout le monde est sur Google et nous ne parlons plus des portails que très rarement en se remémorant nos premières heures sur le Web.
(Celles et ceux qui voient où je veux en venir peuvent, à ce stade, se diriger allègrement vers les commentaires, see you there.)
L’irrémédiable déclin des portails Web
Parce que Google, Le Géant qui fait la norme aujourd’hui a tout de même mis du temps à s’imposer. Je me suis donc octroyé un petit voyage dans le temps.
En novembre 2000, on pouvait lire sur eBusiness ce qui ressemble à un résumé d’une étude de Forrester : « Europe’s Portal Squeeze, novembre 2000 » (que je recherche activement par ailleurs, n’ayant réussi à la trouver lors de la rédaction de cet article) où l’on peut lire, en substance, ce qui suit :
« Le cabinet Forrester a étudié les portails Internet et annonce que, non seulement, il n’y aura que quelques portails dominants, mais qu’en outre, ils ne profiteront pas longtemps de leur victoire devant l’émergence de sites spécialisés. En Europe, les sites portails qui devraient l’emporter sont les sites d’origine américaine AOL et Yahoo! ainsi que les portails liés aux opérateurs historiques comme Terra en Espagne ou Wanadoo en France.
Certes, ils resteront une pièce maîtresse du marketing en ligne mais les annonceurs diversifieront les supports et utiliseront les sites spécialisés, les fournisseurs de services marketing et les nouvelles plates-formes de distribution comme la TV interactive ou le téléphone mobile. C’est que, selon Forrester, en 2005, les consommateurs passeront plus de temps à utiliser leur téléphone mobile et leur TV interactive que leur PC. »
Ce ne sont que suppositions de l’époque, disponibles ici pour les curieux, mais elles révèlent bien l’état d’esprit dans lequel on se trouvait en 2000. Devant l’émergence des pages Web personnelles et plus tard des blogs, les portails Web n’avaient pas bonne presse et l’annonceur tendait à s’en désintéresser, tout comme l’internaute d’ailleurs qui découvrait avec bonheur la page blanche de Google et l’Internet par la recherche et le langage humain (en opposition à l’arborescence informatique qui n’est pas un langage pour tous ! :-p).
Quelques chiffres.
2000 2005 2010
Sites Audience Sites Audience Sites Audience
Wanadoo 21 780 996 Google 11 962 000 Google 34 132 000
Caramail 16 401 856 MSN 10 117 000 Facebook 24 432 000
Voilà (mesure incomplète) 10 176 706 Wanadoo 10 088 000 MSN/Windows Lice 22 353 000
Boursorama 9 746 452 Free 9 741 000 Orange (anciennement Wanadoo) 19 522 000
Club Internet 8 241 684 Microsoft 9 513 000 YouTube 16 977 000
Pages Jaunes Internet 6 996 596 Yahoo! 8 214 000 PagesJaunes 16 028 000
Les Echos 6 490 876 Voilà 6 762 000 Yahoo! 15 818 000
Nomade.fr 4 648 551 PagesJaunes 6 099 000 Free 15 340 000
Le Monde 2 297 399 Tiscali 5 192 000 SFR 12 766 000
TF1 1 973 564 Lycos Europe 5 055 000 La Redoute 11 145 000
Source : ARTESI IDF (http://www.artesi-idf.com/article.php?artno=774&headLine=srubri). A cette date, il est difficile de trouver des chiffres sources exactes. Néanmoins cela me semble représentatif. Si vous disposez de ces chiffres, une fois encore : je suis preneur ! Source : Mediametrie, L’audience de l’Internet en France en février 2005, Levallois, avril 2005. Source : Mediametrie, L’audience de l’Internet en France en juillet 2010, Levallois, août 2010.
Pour plus d’informations sur les portails Web, leurs évolutions et quelques captures d’écrans lacrymalisantes, je vous engage à lire cet article.
Constat, analyse…
En 2000 donc, Google n’existe pas dans le Web Français. Wanadoo est largement en tête puis Caramail, Voilà, les autres portails de l’époque et… des sites d’information !
5 années plus tard, Google apparaît au classement – D’après mes recherches, il apparaît dans le classement aux alentours de 2001 – 2002 puisqu’il est présent en huitième position du classement du Palmarès de l’audience Internet de 01.net en septembre 2002 puis en premier du classement de Médiamétrie aux environs de 2004-2005. Première place qu’il ne quittera plus… Ou presque ! (Cf. Facebook dépasse Google aux USA en mars 2010. Mais c’est aux US…) – les portails des FAI sont au top également, Yahoo! est le premier portail au monde (après MSN qui sera bientôt racheté par Microsoft) Lycos existe encore…
2010 maintenant, la déferlante 2.0 est passée et semble avoir tout raflé sur son passage, Yahoo! perd une place au classement, Free est toujours là, SFR, La Redoute sont en queue de peloton. PagesJaunes se tient toujours, Google est le grand frère que tout le monde rêverait d’avoir et dans le haut du panier, tout le paysage a changé.
Wanadoo est devenu Orange (au passage, ma mère préfère le bleu !), MSN : Windows, et deux petits nouveaux se partagent la deuxième et la cinquième place : Facebook et YouTube.
En première analyse, on remarque que les médias traditionnels ont disparu du paysages désormais, l’Internet est une affaire de pure players. On note ensuite que beaucoup de portails ont disparu et que les autres auraient eu bien du mal à subsister s’ils n’avaient été rachetés…
Les usages ne sont plus aux portails et pour cause, pris dans la vague 2.0 et des médias sociaux, l’internaute est enfin libre ; il navigue de blog en blog et nage constamment (en plein bonheur) au milieu de ses amis, d’un environnement fait de cooptation, de recommandation, de like et de partage.
Est-il important de rappeler ici que 500 millions de personnes dans le monde sont inscrites sur Facebook ? 16 millions en France (soit près de 50% des internautes Français) et que 70% des personnes inscrite sur un réseau social s’y connectent chaque jour ?
Ce que je constate et ce que je souhaite partager avec vous, c’est une interrogation. Beaucoup d’entre nous sont sortis des portails pour utiliser un moteur de recherche, ont ouvert une page web, un blog… Puis, une page sur Facebook, Twitter, et bien d’autres… Nous sommes sortis d’un carcan et de l’information push des médias traditionnels pour crier notre liberté d’expression, d’accès à l’information… Nous avons défendus Internet à la fac : le droit de citer des sites Web dans nos bibliographies, le droit d’utiliser des définitions de Wikipédia, etc.
Et aujourd’hui, nous passons plusieurs heures par jour dans un nouveau portail (Facebook, pour ne citer que lui). Pour la définition d’un portail, voir plus haut : messagerie, messagerie instantanée, moteur de recherche, publicité, intérêt des annonceurs…
Alors ; Facebook, nouveau portail ?
Et si Facebook changeait de couleur, s’il passait en orange demain, est-ce que votre petit frère, vos enfants ou même votre mère ne viendraient pas crier « ils ont encore changé la couleur de l’Internet !?? »…
Notes :
Mes excuses à ceux qui se reconnaîtront, je n’ai pas mentionné les newsgroups et autres chans IRC… ^^
Image : http://map.web2summit.com/
*Ma vraie maman n’a jamais fait cette remarque ! (bisous maman )