Après "Hôtel Impala", le rappeur belge revient avec un nouvel opus entre rap et soul. Une invitation à voyager au rythme des sonorités congolaises. "Kinshasa succursale", deuxième album solo de Baloji, a spécialement été conçu au Congo. Interview.
« Le jour d'après » de Joseph Kabasale est considéré comme un hymne à la liberté pour de nombreux pays africains, aujourd'hui indépendants. Pourquoi cette reprise ?
Je trouve que c'est un titre intéressant. D'une part car c'est un monument; le refrain est fédérateur et plein de sens. D'autre part, quand je l'ai réécoutée, cette chanson m'a replongé dans ma petite enfance.
Tu es belgo-congolais. Comment tu vis ta double culture ?
Naturellement ! Sans me poser de questions. Je suis jeune père, ma fille est métisse, mon identité s'apparente à la sienne, elle est ni noire ni blanche. On fait partie de cette diaspora qui appartient à deux cultures. Il faut juste l'accepter !
Kinshasa succursale, un retour aux sources ou un hommage à tes origines ?
Je n'ai pas réalisé cet album dans une démarche "de retour aux sources" ou de quête d'identité. La musique qui me fait le plus vibrer est la soul. Ce style a influencé la musique congolaise. C'est juste un choix artistique. S'il s'agit d'hommage, c'est un hommage à la musique avant tout.
Dans « Congo eza ya biso », tu parles d'indignation sélective...
On s'indigne quand on le veut bien. En clair, d'un pays à l'autre, une catastrophe n'a pas la même valeur aux yeux de la communauté internationale.
Ton album sort l'année du 50ème anniversaire de l'indépendance du Congo. Le fruit du hasard ?
Pas du tout. En réalité, j'ai eu beaucoup de mal à le sortir. Personne n'en voulait car il était considéré comme communautaire, pas assez urbain. En Belgique, j'ai réussi à le faire exister grâce au magazine Le Vif/L'Express qui a accepté de l'éditer à 700 000 exemplaires. La condition était de le sortir dans un contexte propice, en l'occurrence le 50ème anniversaire de l'indépendance du Congo.
Le Congo, aujourd'hui ?
Un constat plein de paradoxes. Le Congo est une jeune démocratie. La répartition des richesses est inégale, l'exploitation du pays est désastreuse. La population n'en bénéficie pas. Le Congo fait partie des dix pays les plus pauvres au monde. Dans « Le jour d'après », je dis que « la Révolution est au bout du vote / que la force du nombre est l'antidote et qu'il faut que l'Europe change la dette en dote ». J'ai un regard critique envers l'Europe mais également envers le Congo et ses autorités. Quant aux Congolais, ils ne prennent pas leurs responsabilités. Ils s' auto-infantilisent en adoptant une position attentiste.
Tes projets ?
J'ai commencé l'écriture d'un nouvel album où j'aborde les questions d'identité, les rapports Nord/Sud, l'Europe, l'Afrique et la Flandre/Wallonie.
Justement. Que penses-tu du résultat (30% de voix) de Bart de Wever (Nationaliste flamand) aux élections fédérales ?
On a les dirigeants que l'on mérite. Je pense la même chose pour la France et Sarkozy. Bart de Wever raconte aux gens ce qu'ils veulent entendre. Sa position est partagée par les autres partis traditionnels en Flandre. A ce jeu là, Bart de Wever est le plus charismatique. Il représente bien cette idéologie, celle d'une Flandre qui s'imagine Monaco sans la Wallonie. La scission finira par avoir lieu d'ici quelques années.
Photos : © Sindy Mayot et Nicolas Karakatsanis