« Laissons nous aller de bonne foi aux choses qui nous prennent par les entrailles et ne cherchons point de raisonnements pour nous empêcher d’avoir du plaisir… C’est justement comme un homme qui aurait trouvé une sauce excellente, et qui voudrait examiner si elle est bonne sur les préceptes du Cuisiner François … »
Molière, la critique de l’école des femmes
Le début du XVII° siècle coïncide en France avec une période de relative prospérité au cours de laquelle l’agriculture et l’horticulture accomplissent, sous l’influence de Sully et d’Olivier de Serres, de spectaculaires progrès.
Cette évolution des méthodes de culture influence la cuisine et la gastronomie : face aux usages du passé, aux amoncellements de viande et de nourriture présentés sans recherche, héritage du Moyen-Age, s’imposent des mets plus raffinés et des présentations plus agréables à l’œil.
Dans les premières années du siècle, les potagers se sont diversifiés : les choux fleurs, introduits en France sous Henri IV, demeurent de culture délicate. Ce n’est que vers l’an 1600 qu’on obtient des portes-graines et qu’on parvient à les multiplier par semis. Cinquante plus tard, on fera cependant encore venir des graines de Chypre.
Les asperges apparaissent aussi à la fin du règne d’Henri IV, dont c’est un des légumes préférés. Grâce à des trésors d’ingéniosité, La Quintinie parviendra à en obtenir dès le mois de décembre ; de la même manière, en disposant sur la terre plusieurs couches de fumier, il récolte, sous des cloches de verres, des laitues en mars, des fraises et des concombres en avril.
Jusqu’au milieu du siècle, les progrès seront sensibles.
En 1654 paraît un ouvrage bizarrement signé » R D C D W B D N « , intitulé » Les délices de la campagne « . Bientôt on murmure que sous ces initiales se cache Nicolas de Bonnefons, valet de chambre du roi. Il s’agit d’un livre de cuisine à l’usage de la moyenne noblesse et de la bourgeoisie. La première partie est dédiée aux » Dames de Paris » et traite des pains et des boissons. Il est clair que chaque femme, dans sa maison, sait fabriquer le pain et préside aux boissons.
On trouve dans cet ouvrage les gâteaux traditionnels : pain béni, brioche, talmouse, tarte au fromage… Pour le vin, la palme revient aux vins de Bourgogne et au Chablis.
Dans la deuxième partie, Bonnefons traite » des racines « , propos révoltants, à une époque où on ne consomme, et sous forme de potage seulement, que pois et fèves, haricots venus d’Amérique…
Mais Bonnefons n’est point fou. Servant à la cour par quartier, il passe les trois quarts de son temps dans son domaine auquel il s’intéresse et cherche à apporter des innovations. De plus, il s’est aperçu que, parmi les gens qui cultivent la terre, les seuls qui acceptent d’essayer les plantes nouvelles ou les utilisations nouvelles des plantes connues sont les religieux, d’abord parce qu’ils sont souvent dans leurs ordres, des esprits curieux et déliés, ensuite parce qu’ils sont presque toujours chargés de nourrir un hôpital, des écoles ou des hospices de vieillards, ce qui ne va pas sans mal les années de disette. Il faut donc toujours prévoir, emmagasiner des provisions ou cultiver des plantes à meilleur rendement.+